Recherche création: Pour une compréhension de la recherche en pratique artistique

Introduction

INTRODUCTION Pierre Gosselin, professeur École des arts visuels et médiatiques Éric Le Coguiec, architecte, étudiant Doctorat en études et pratiques des arts Université du Québec à Montréal Dans nos universités, l’expression «recherche création» s’est en quelque sorte infiltrée, puis affirmée au cours des dernières décennies à mesure que les disciplines artistiques s’intégraient au milieu universitaire. L’institution se voyait alors accueillir en ses murs un autre type de chercheur, des praticiens du domaine de l’art qui, tout en ayant le sentiment de faire de la recherche, ne se reconnaissaient pas dans les paramètres de cette activité que l’université appelle «recherche scientifique». Même si cette expression englobait les études poursuivies dans le domaine des sciences exactes aussi bien que celles menées en sciences humaines, la recherche des praticiens du domaine des arts réclamait une autre appellation, une appellation qui traduirait mieux la nature de sa contribution . On voit alors apparaître l’expression recherche/création, avec une barre oblique, suggérant de comprendre «recherche ou création » sans avoir nécessairement à le dire. Puis, la barre oblique a eu tendance à disparaître pour faire place à «recherche-création» avec un tiret ou tout simplement à «recherche création». Avec le temps, une certaine confusion s’est installée en raison des multiples sens que prennent ces expressions. Mais qu’entend-on aujourd’hui par «recherche création»? Quelle est la nature et la particularité des recherches menées par des personnes engagées dans la pratique artistique et quels en sont les produits? Des réalisations artistiques? Des discours? Ou encore les deux à la fois? Comment notre rapport à ce type particulier de recherche évolue-t-il dans nos facultés d’art et, plus largement, dans nos universités? Quels sont les modes méthodologiques utiles pour la poursuite de ces recherches? Des questions que les auteurs du présent ouvrage abordent sans détour. Questions plurielles qui reflètent la diversité des lieux d’engagement des auteurs qu’elles interpellent ici. Ce livre a pris forme à la suite d’une rencontre, d’un colloque1 réunissant des gens d’action et de réflexion appartenant tous au domaine des arts et dont l’engagement particulier stimule la réflexion autour de questions relatives à la place des arts à l’université, à la participation des artistes à ce que nos institutions appellent la «recherche» et à leur contribution à l’avancement des connaissances. Les auteurs du présent ouvrage ont au moins trois choses en commun. D’abord, comme nous l’avons dit, ils sont tous liés à une discipline artistique: architecture, arts visuels, danse, musique ou théâtre; disciplines qui les ont formés et où ils ont inscrit une pratique à un moment donné de leur parcours. Ensuite, tous œuvrent dans l’enseignement, terrain qui pour plusieurs d’entre eux semble propice à la réflexion sur les questions discutées ici. Enfin, tous se sentent directement interpellés par la question de la recherche création en ce sens qu’ils veulent prendre part au débat sur cette question pour contribuer à la définition de ce type de recherche et à l’évolution de son rapport avec l’institution universitaire. Dans les faits, la nature de la contribution à la recherche des artistes chercheurs du domaine des arts demeure encore ambiguë. Pendant longtemps, on a eu tendance à comprendre que cette contribution prenait la forme de réalisations artistiques. Ce faisant, on a été porté à laisser à d’autres le discours sur l’art et sur sa pratique, notamment aux philosophes et aux théoriciens des domaines de l’esthétique et de l’histoire de l’art. Par ailleurs, dans plusieurs disciplines, on a longtemps tenu pour acquis que la pratique et la théorie sont deux choses si différentes que l’une et l’autre auraient leur terrain propre et connaîtraient relativement peu d’interface. Depuis la fin du siècle dernier, cette dichotomie semble vouloir s’estomper; on prend de plus en plus conscience que la 1. En organisant le colloque «La recherche-création ou comment faire autrement», Monik Bruneau, Pierre Gosselin et Éric Le Coguiec ont voulu ouvrir un espace de discussion sur les questions qui touchent la recherche dans le domaine des arts et plus particulièrement la recherche menée par ses praticiens et praticiennes. Le colloque a eu lieu les 11 et 12 mai 2004 à l’Université du Québec à Montr...