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Ramus et la réforme de l’université de Paris en 1562 3 Jean-Marie Le Gall La réforme de l’université ne date pas du temps des Réformes religieuses. Celles-ci ont assurément accéléré le processus réformateur, notamment dans l’Europe protestante: là s’opèrent des innovations radicales comme la suppression des facultés de théologie. Quant au monde universitaire catholique, il est travaillé par des réformes qui tentent de concilier l’héritage de l’alma mater avec les défis posés par l’humanisme et l’affrontement confessionnel. Humaniste et protestant, Pierre Ramus a joué un grand rôle dans la vie intellectuelle parisienne: comme professeur au collège des lecteurs royaux, il jouit d’une certaine liberté à l’égard de la corporation universitaire . Mais comme principal du collège de Presles, il est membre à part entière de l’université pour laquelle il publie un projet très précis de réforme en français et en latin. Connu, le texte reste néanmoins peu analysé. Les historiens sont les moins enclins à l’étudier bien que l’opus ait été réédité dans les archives curieuses par Cimber et Danjou au xixe siècle. Il est vrai qu’hormis les travaux de James Farge sur la faculté de théologie, l’évolution de l’université de la capitale du royaume au xvie siècle est terra incognita. Certes, on en publie des histoires, vulgates qui ne font que ressasser ce qu’on écrivait déjà au xviie siècle, comme celle de Jean Tuilier2. Or ce dernier estime le projet de Ramus «isolé et sans écho» du fait que l’homme est à ses yeux marginalisé dans l’institution par ses positions . Proemium reformandae Parisiensis, Paris, 1562. Advertissement sur la réformation de l’université de Paris, au roy, Paris, 1562. 2. Sur l’appréciation de ce travail, voir M.-M. ComPère, Les collèges parisiens, 16e-18e siècle, Paris, 2003, p. 12. 42 Chapitre 3 anti-aristotéliciennes et bientôt par son calvinisme. C’est juger de façon bien monolithique et déjà fort confessionnalisée l’université des années 1540-1560. Il suffit du reste de se tourner vers la production des philosophes et desphilologuespourconstaterqueRamusn’estpasesseulé3.Saproduction connaît un succès important qu’atteste le nombre considérable d’éditions de ses œuvres. Dépassant de loin le cadre parisien, son influence est telle en Europe qu’on l’a consacrée en parlant de ramisme comme on parle d’érasmisme. L’Advertissement n’est donc pas ignoré dans les travaux de Hooykaas, de Sharratt, etc.4. Mais les approches des philosophes ont leur objet et leurs pratiques, fort légitimes, mais qui ne sont pas celles des historiens. Il est naturel que leur réflexion soit focalisée sur la recherche et la définition d’une «méthode ramiste» (Vasoli, Ong, Bruyère) et sur l’effort entrepris par Ramus pour restaurer la dialectique dans la rhétorique, c’est-à-dire pour réconcilier une discipline scolastique un temps méprisée avec l’éloquence chère aux humanistes. Dès lors, l’Advertissement trouve sa place dans l’analyse du ramisme, bien qu’il reste tenu pour une œuvre mineure au regard d’une pensée féconde qui se déploie pendant trente ans. Dès le xvie siècle, Nancelius, son disciple et biographe, tout en signalant son existence, n’en dit rien d’autre sinon qu’il témoigne de l’élégance stylistique que met Ramus à écrire même un règlement5. Pourtant un homme, fut-il philosophe, ne pense pas seul. Il n’est pas en apesanteur sociale et son évolution ne résulte pas seulement d’une dynamique interne de l’intellect mais aussi des sollicitations sociales6. La nécessaire remise en situation de ce texte souligne d’abord sa singularit é: il s’agit de la publication d’un projet d’une réforme universitaire en cours. Il existe certes beaucoup de textes littéraires imprimés décrivant de manière plus ou moins utopique l’idéal pédagogique au xvie siècle. Il existe aussi des projets de fondation universitaire imprimés au xvie siècle: Baduel et l’académie de Nîmes. Mais l’Advertissement de Ramus est à ma connaissance un des rares cas où un projet de réforme est imprim...

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