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L’université au service de l’industrie La vente de services de laboratoire en génie au Canada, 1895-1939 6 Jean-François Auger Tous les historiens qui, intéressés par la période moderne, étudient les transformations et les mutations de l’université viennent à s’interroger sur le rôle de l’industrie. Il est bien connu que les universités commenc èrent à former des ingénieurs spécialisés dans les nouveaux secteurs industriels apparus à la fin du xixe siècle. À ce jour, les historiens ont montré que l’enseignement du génie évoluait pour épouser les changements technologiques et que les ingénieurs diplômés embrassaient de nouvelles carrières sur le marché du travail. Or, dans une histoire de l’université moderne, le problème central ne se limite pas à déterminer la relation entre la formation en génie et le développement de l’économie2. Il s’agit aussi de comprendre comment les universités répondaient, sinon en tout, du moins en partie, aux besoins de recherche des entreprises privées dans un contexte marqué par la montée de la recherche industrielle. À ce propos, il semble tout indiqué de traiter de la vente de services de laboratoire, qui se définit comme le fait que des clients paient les universités pour des tests, des analyses ou des recherches. Des études . G. ahlström, Engineers and Industrial Growth: Higher Technical Education and the Engineering Profession During the Nineteenth and Early Twentieth Centuries: France, Germany, Sweden, and England, Londres, 1982; R. fox et A. guagnini, (dir.), Education, Technology, and Industrial Performance, 1850-1939, Cambridge, 1993; R. R. loCke, The End of the Practical Man: Entrepreneurship and Higher Education in Germany, France, and Great Britain, 1880-1940, Greenwich, 1984. 2. Le résultat global des études montre que l’impact de la formation en génie était négligeable sur l’économie. T. shinn, «The Impact of Research and Education on Industry: A Comparative Analysis of the Relationship of Education and Research Systems on Industrial Progress in Six Countries», Industry and Higher Education, 12, 5 (1998), p. 270-289. 4 Chapitre 6 antérieures ont révélé l’existence de laboratoires universitaires qui maintenaient des activités à valeur commerciale en chimie, en biomédecine et en ingénierie3. Il s’agira ici d’analyser le cas de cinq laboratoires de génie situés à l’École polytechnique de Montréal et aux universités McGill et de Toronto. Ces laboratoires ont tous offert, à un moment donné ou à un autre de leur histoire, des services payants aux entreprises privées. Précisons que l’introduction de l’enseignement expérimental des sciences et du génie rendit possible l’avènement de ce service. En effet, les universit és aménagèrent des laboratoires au cours de la seconde révolution industrielle (1880-1920) et les équipèrent de machines, d’instruments et d’objets provenant de la science et de l’industrie4. Il était dès lors possible d’accomplir certaines tâches industrielles à l’université. On se rendra rapidement compte que les laboratoires universitaires remplissaient leurs carnets de commande de tests de matériaux, d’essais de machine ou de calibrage d’instruments de mesure. Rien n’était plus routinier pour l’industrie. Les entreprises faisaient appel aux services de bureaux d’ingénieurs ou de laboratoires privés, auxquels elles confiaient les tâches de contrôle, de régulation et d’amélioration de la production. En outre, les gouvernements cherchaient à augmenter les capacités de production nationale en soutenant le développement technologique de secteurs stratégiques de l’économie. Ainsi, en offrant des services de laboratoire, les universités occupaient une part du marché de l’assistance technologique et complétaient les autres types de services. Elles gagnaient alors de petits montants d’argent qui, dans la majorité des cas, étaient réinvestis dans l’achat de matériel de laboratoire. Des documents produits par cette activité – des factures de laboratoire, des articles de périodiques spécialisés, de la correspondance et des rapports annuels – permettent de montrer comment les laboratoires servaient d’interface entre l’université et l’industrie. 3. J.P. hull, «From the FPL to PAPRICAN: Science and the Pulp and Paper Industry», History of Science and Technology in Canada Bulletin, 7, 3 (1983), p. 3-13; P. malissard, «Les “Start Up” de jadis: la production de vaccins au Canada», Sociologie...

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