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C H A P I T R E 12 TRANSMISSION ET CIRCULATION DES SAVOIRS SUR LES MÉDICAMENTS DANS LA RELATION MÉDECIN/MALADE Sylvie Fainzang Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et Centre de recherche Médecine, Science, Santé et Société (CERMES) La présence des termes « transmission » et « circulation » dans le titre de ce chapitre n’est pas fortuite. Elle tient à la différence qu’il convient de faire entre ces deux notions, tout particulièrement en raison des effets attendus de la première et inattendus de la seconde, dans le contexte de la relation médecin/malade. Au regard du savoir, la relation entre médecin et malade est inégale et asymétrique ; l’un sait, l’autre non. Le médecin détient un savoir, concernant notamment la nature des médicaments et les modalités de leur utilisation, savoir qu’il transmet en partie aux malades en vue de leur faire adopter les bonnes conduites en matière d’usage médicamenteux. Mais le savoir ainsi transmis rencontre (et parfois s’y heurte) un autre savoir, celui des malades. L’usage qui est fait ici du mot « savoir » ne préjuge bien évidemment pas de son bien-fondé ou non. Il part du postulat que le savoir est une forme de connaissance en partie acquise par le raisonnement et l’expérience, et en partie résultant de représentations, individuelles ou collectives, liées à un contexte social donné. Un savoir d’autant plus important à prendre en compte qu’il est apte à fonder un certain nombre de 268 LE MÉDICAMENT AU CŒUR DE LA SOCIALITÉ CONTEMPORAINE pratiques sociales. Or ce savoir est en partie échangé ; il circule et une part de ce savoir retourne au médecin. Si cette forme de savoir, notamment sur les médicaments, peut être remise en cause par la suite, ou bien par l’autre protagoniste de la relation médicale, ceci est vrai tant pour le savoir des profanes que pour celui des professionnels de la santé1. 1. MÉDICAMENTS, CULTURES ET SOCIÉTÉ On a montré dans une précédente recherche (Fainzang, 2001) que les conduites des malades à l’égard des médicaments étaient sous-tendues par la référence à des valeurs qui circulent à l’intérieur des groupes culturels auxquels ils se rattachent et que le savoir même qu’ils ont sur les médicaments est construit par des logiques culturelles et symboliques qui lui donnent forme. Cette étude avait entre autres pour objectif de comprendre les logiques qui organisent les comportements des patients dans le domaine de la consommation médicamenteuse, autrement dit, d’une part, de repérer les constantes dans les pratiques de consommation et plus généralement dans les usages qui sont faits des médicaments (leur usage ne se réduisant pas nécessairement à leur consommation), et d’autre part, d’identifier les mécanismes qui sous-tendent la diversité culturelle des conduites étudiées. En examinant le rapport aux médicaments, aux ordonnances et aux médecins chez des malades de différentes origines culturelles religieuses (catholique, protestante, juive et musulmane), on a montré que les comportements des individus à l’égard des médicaments n’étaient pas exclusivement construits par leur appartenance sociale, leur âge, leur sexe, ou encore leur capital scolaire, mais qu’ils portaient également l’empreinte de leur culture d’origine. Des valeurs et des représentations circulent ainsi à l’intérieur de ces groupes et imprègnent les individus au point de « construire » en partie leurs conduites. On a ainsi montré le lien existant entre les représentations qu’ils partagent à l’intérieur d’un groupe et leurs attitudes à l’égard par exemple des psychotropes , de l’automédication, de la douleur, toutes attitudes qui mettent en jeu des valeurs qui dépassent le seul cadre médical, telles que la soumission , l’indépendance, les représentations du corps et de la personne, etc. L’étude a montré toutefois que cette empreinte culturelle trouve ses 1. Il convient de préciser que, bien qu’il s’agisse ici essentiellement des malades, le savoir des médecins dépend également d’une information et que cette information est parfois biaisée, notamment lorsqu’elle est transmise par l’industrie pharmaceutique, qui maximise parfois l’efficacité d’un médicament et en minimise les effets indésirables. Ce savoir...

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