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CHAPITRE 11 L’individu et ses droits dans l’espace urbain Des politiques urbaines aux cosmopolitiques Didier Taverne Sciences, Territoires et Sociétés Pour analyser les situations de conflits ou de contestations qui mettent aux prises les institutions et les associations, on a très souvent recours à des approches utilitaristes dans lesquelles les associations deviennent des «entreprises associatives» qui défendent un intérêt particulier. Pour ce faire, elles jouent sur les répertoires d’action disponibles, ce qui les conduit de plus en plus à techniciser leur action, à se faire expertes et à faire appel au droit, aux tribunaux pour arbitrer leurs différends avec les institutions publiques. Cette conception des associations comme groupes d’intérêts repose sur une anthropologie spécifique telle que les individus sont rationnels, connaissent leur intérêt et se regroupent pour le défendre. L’action publique dans ce cadre repose sur la mise en œuvre d’une bonne gouvernance qui tienne compte de l’ensemble des groupes d’intérêts en présence, qui favorise la participation des stakeholders, des représentants desdits groupes et autres têtes de réseau. Une tout autre démarche est ici proposée. D’une part, il est possible d’avancer que les situations de contestation et de blocage de l’action publique par les associations relèvent d’abord d’une absence d’arènes ou de forums dans lesquels ces groupes puissent s’exprimer et faire inscrire leurs revendications ou leurs manières de voir dans l’agenda. Au fond, est en question la manière dont les autorités pensent leur légitimité. L’avoir acquise dans la verticalité élective leur semble suffisant, alors que la légitimité renvoie à un processus permanent et ne s’acquiert que dans l’horizontalité du dialogue. D’autre part, plus fondamentalement, doit être posée la question de l’émergence de ces groupes, de la construction des intérêts. De ce point de vue, plutôt que de considérer que les intérêts sont des données, il peut être fécond de s’intéresser aux processus de construction de ces intérêts. Dans une optique pragmatiste, ils correspondent à des identités qui s’élaborent en réponse à une affectation. Les conséquences de cette approche sur la manière d’envisager l’action publique sont importantes. Il ne s’agit plus d’organiser des concertations avec les différents groupes d’intérêts, mais bien de mettre en œuvre une politique de «concernement». Plutôt que de penser dans les termes classiques de la science politique, on peut alors emprunter les chemins tracés par Stengers (1997) qui conduisent à proposer une cosmopolitique, une nouvelle manière d’inventer le bien commun. 1. OFFRE DE PARTICIPATION ET JURIDICISATION DE LA VIE LOCALE 1.1. Le contexte et le groupe étudié Un travail consacré à l’utilité sociale des associations (Taverne et al., 2003), nous a conduit à nous intéresser à une petite association de commerçants du centre-ville de Montpellier:la FADUC (Fédération des associations pour la défense des usagers, des commerçants et associations de commerçants, des consommateurs et des contribuables du centre-ville et du grand Montpellier ). Son objet social déclaré est «de se battre pour préserver et développer l’activité culturelle et commerciale du centre-ville de Montpellier, en harmonie avec les pôles de périphérie». Cette association fut créée en 1998 afin de fédérer une douzaine d’associations de commerçants, vouées à l’animation de leur quartier. Aujourd’hui, elle revendique l’adhésion de plus 500 commerçants, artisans et consommateurs de Montpellier et des communes environnantes. Un événement est à l’origine de la création de cette Fédération :«l’affaire de l’Avenue de la Mer». Un beau matin, les commerçants dont les boutiques bordent l’Avenue de la Mer découvrent que la municipalité a décidé de fermer nuitamment cette avenue, sans aucune concertation ou information préalable, obligeant les automobilistes à faire un détour très important s’ils veulent encore fréquenter leurs commerces. Les commerçants de l’Avenue de la Mer, directement concernés par la fermeture de cet axe, se mobilisent et sont rejoints aussi bien par les petits commerçants du centre-ville que par les commerçants du Polygone, principal centre commercial du centre-ville. Tous...

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