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Chapitre 4_Un modèle théorique pour expliquer les conduites déviantes des adolescentes
- Presses de l'Université du Québec
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c h a p i t r e 4 UN MODÈLE THÉORIQUE POUR EXPLIQUER LES CONDUITES DÉVIANTES DES ADOLESCENTES Nadine Lanctôt Université de Sherbrooke REMERCIEMENTS L’auteure désire remercier Marc Le Blanc pour l’accès aux données. Cette étude a été financée par le Conseil québécois de la recherche sociale (CQRS), le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et le Fonds canadien d’aide à la recherche (FCAR). [100.24.20.141] Project MUSE (2024-03-28 23:06 GMT) omment expliquer les conduites déviantes des adolescentes ? Si elle avait un âge, cette question ne serait probablement qu’à l’aube de la jeunesse. En effet, ce n’est qu’à partir des années 1980 que des théories ont vraiment commencé à se définir afin d’expliquer l’engagement des filles et des femmes dans des activités déviantes. Avant cette date, les études qui s’intéressaient à cette problématique mettaient surtout en lumière l’influence protectrice des rôles que la société attribue aux femmes et expliquaient leur conformité aux normes sociales plutôt que leur propension à dévier de ces normes (Lanctôt et Le Blanc, 2002). En conséquence , un très grand nombre de publications relevaient la faible ampleur et le peu de gravité des activités déviantes des filles par comparaison avec celles des garçons. L’état d’avancement des connaissances offrait donc, jusqu’à tout récemment, un cadre conceptuel insuffisant pour comprendre la déviance des filles. Toutefois, dès 1974, Biron affirmait que ce n’est pas tant le nombre restreint d’études sur la déviance des filles que la fragmentation des perspectives théoriques qui rendait difficile la compréhension de cette problématique. Biron (1974) rapportait qu’un nombre suffisant de travaux était disponible pour permettre d’isoler certains facteurs explicatifs de la déviance des filles, mais qu’il était difficile de synthétiser les informations disponibles au sein d’un modèle théorique. Plus de 25 ans plus tard, nous refaisons le même constat : la précarité des connaissances sur ce sujet s’explique encore par le morcellement des écrits théoriques (Lanctôt et Le Blanc, 2002). Le but de ce chapitre est d’abord de présenter un modèle explicatif de la déviance des adolescentes. Les concepts théoriques qui seront intégrés à ce modèle viennent de la criminologie. La validité discriminante et prédictive du modèle est abordée dans la seconde partie du chapitre. Mais, avant d’exposer les composantes de ce modèle, il importe de bien clarifier la terminologie. 1. LES CONDUITES DÉVIANTES DES ADOLESCENTES Gottfredson et Hirschi (1990) rapportent que toutes les formes de conduites répréhensibles peuvent être regroupées sous un concept latent appelé« déviance générale ». Cette conceptualisation de la déviance inclut différentes manifestations : les violences interpersonnelles (menaces, agressions physiques, vols qualifiés, etc.), les délits contre la propriété (vols mineurs, vandalisme, C Les conduites antisociales des filles 124 vols par effraction, fraudes, etc.), les comportements de rébellion scolaire et familiale (désobéissance, fugue, etc.) ainsi que les conduites qui comportent un risque accentué (conduite automobile dangereuse, activités sexuelles imprudentes, surconsommation de drogues, etc.). La déviance est donc synonyme de conduites qui sont socialement désapprouvées, autant formellement (par la loi) que d’une façon informelle (par les règles et les normes sociales). L’étude des conduites déviantes des adolescentes est donc moins restrictive que celle de la délinquance proprement dite, qui ne se limiterait qu’aux actes formellement interdits par le Code criminel. Les adolescentes rapportent d’ailleurs elles-mêmes que leur répertoire comportemental se caractérise plus par des conduites qui heurtent les normes sociales informelles que par des conduites qui contreviennent à la loi (Lanctôt et Le Blanc, 2002). La consommation d’alcool et de drogues, les activités sexuelles précoces, les fugues du domicile familial et l’école buissonnière en sont des exemples. Bien que moins fréquents et moins graves que ceux des adolescents, les délits commis par les adolescentes doivent aussi faire l’objet d’études. Les statistiques officielles laissent d’ailleurs entrevoir une hausse de la violence chez les adolescentes depuis quelques années...