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C H A P I T R E Au commencement était l’Atelier de culture J’ai déjà souligné que le CFER était une variante du cheminement particulier continu dit d’insertion sociale et professionnelle des jeunes (ISPJ), mais il est né ailleurs. En réalité, il est né de l’Atelier de culture dont nous allons parler plus longuement maintenant. L’idée de cette pédagogie particulière est venue à certains enseignants de la polyvalente du Boisé de Victoriaville qui voulaient régler les problèmes de leurs élèves. Mais quelle était donc la nature de ces problèmes ? Et de quels élèves s’agissait-il ? Ces pédagogues enseignaient les matières de formation générale telles que le français, les sciences, les mathématiques , l’histoire, la géographie et autres, aux élèves de l’enseignement professionnel. Nous sommes au début des années 1970, plus précisément en 1973, 1974 et 1975. C’était encore l’époque des bons sentiments et le ciel était obscurci de toutes les bannières d’un monde nouveau : égalité des chances, démocratisation de l’enseignement, accessibilité, 2 48 Pédagogie des poqués polyvalence des formations et des esprits. Dans un esprit de démocratisation et d’ouverture qui les honore encore, les auteurs du Rapport Parent avaient recommandé, entre mille choses, que les élèves en formation professionnelle suivent leurs cours de formation générale avec les élèves du secteur général. L’idée fondatrice de ce noble projet s’inspirait sans doute de celle qui est à l’origine de l’école dite « commune » : pousser le plus loin possible la formation de base de tous les enfants, quelle que soit leur destination ultérieure dans la vie active. Cette formation commune se matérialise dans un tronc commun qui doit retarder le plus longtemps possible le moment où l’élève a à choisir entre des filières scolaires qui deviennent par la force des choses largement irréversibles. Dans cette perspective, l’école met en commun le plus de choses possible , le plus longtemps possible. Avec l’avènement de la polyvalence pédagogique et de son siège, la polyvalente, on parle alors d’intégrer toutes les formes d’enseignement existantes et tous les élèves qui s’y trouvent. C’est ce que l’on a appelé « l’intégration », une intégration qui tendait vers la polyvalence la plus complète possible : polyvalence de l’institution, mais aussi polyvalence des individus, polyvalence des esprits et des qualifications. L’expérience de « l’intégration » des élèves de l’enseignement professionnel dans un projet pédagogique polyvalent et, pourquoi ne pas en convenir, assez peu différencié, ne fut pas des plus concluantes à la Polyvalente Le Boisé, pas plus d’ailleurs que dans la plupart des écoles secondaires où fut tentée l’expérience. Comme quoi les plus beaux projets de société ne règlent pas nécessairement tous les probl èmes pédagogiques. Comme l’enseignement des matières de base se faisait de manière traditionnelle, c’est-à-dire de l’abstrait vers le concret : une notion d’abord et ses applications ensuite, les élèves de l’enseignement professionnel, plus portés vers le concret, connaissaient des taux d’échec effarants dans ces matières. Ils en éprouvaient un malaise tel que s’enclenchaient rapidement les mécanismes connus de la ségrégation et de l’exclusion sociales. À Victoriaville, on les appelait les « poqués » ; ailleurs, les « mongols à batterie ». Rien pour favoriser l’estime de soi et la confiance nécessaires à la réussite scolaire. Mais l’intégration, qui sur cette lancée était en voie de produire l’envers des effets escomptés par le Rapport Parent, eut un autre effet pervers qui ne fit qu’empirer les choses pour ces élèves déjà passablement bouleversés par ces changements radicaux. En gommant les [3.17.150.163] Project MUSE (2024-04-24 21:48 GMT) Au commencement était l’Atelier de culture 49 différences entre les divers types d’élèves au nom d’une idéologie égalitaire mal comprise et en nivelant par le haut de la pyramide sociale, l’intégration avait fait perdre à ces élèves leur propre identité et leur sentiment d’appartenance. Ils n’existaient plus que comme les déchets de l’enseignement g...

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