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© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél.: (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de: Comprendre la famille no 7, Carl Lacharité et Gilles Pronovost (dir.), ISBN 2-7605-1296-7 • D1296N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés La politique familiale Un trait distinctif du Québec en Amérique du Nord Renée B.-DANDURAND Institut national de la recherche scientifique En Amérique du Nord, le Québec est le seul territoire, parmi les provinces canadiennes et les États américains, à disposer d’une politique familiale. Pourquoi avons-nous, depuis une quinzaine d’années, une politique familiale explicite ? Et pourquoi sommes-nous les seuls en Amérique du Nord à afficher une telle politique ? Ces deux questions, dès qu’on les approfondit, en soulèvent d’autres. Pourquoi notre collectivité de souche francophone a-t-elle toujours, à travers ses élites, accordé une telle importance à la famille depuis la conquête anglaise ? Plus récemment, pourquoi la menace du nouveau gouvernement libéral d’altérer notre politique familiale, en particulier notre système de garde à la petite enfance, a-t-elle soulevé une telle levée de boucliers, soit des manifestations, des pétitions et des protestations publiques ? On peut invoquer plusieurs arguments pour expliquer et comprendre cette particularité du Québec. Je vais tenter d’exposer ceux qui m’apparaissent les plus distinctifs. Je les réunirai sous trois grands titres : 1. Une conception plus interventionniste que privatiste des relations entre la famille et l’État. 2. Une société civile agissante autour des enjeux familiaux. 3. Une volonté claire des acteurs du domaine politico-administratif (partis politiques, élus et instances de l’administration gouvernementale ) de mettre en œuvre une politique familiale. © 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél.: (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de: Comprendre la famille no 7, Carl Lacharité et Gilles Pronovost (dir.), ISBN 2-7605-1296-7 • D1296N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés 198 Renée B.-DANDURAND UNE CONCEPTION PLUS INTERVENTIONNISTE QUE PRIVATISTE DES RELATIONS ENTRE LA FAMILLE ET L’ÉTAT À l’instar d’autres pays de tradition anglo-saxonne, les États-Unis et le Canada des provinces anglophones présentent une conception privatiste des relations entre famille et État (Lesemann et Nicol, 1994), soit une conception basée sur un principe issu du libéralisme, qui impose le respect de la vie privée et la non-ingérence de l’État dans la vie des individus et des familles. Cette conception est plus marquée dans certaines régions du sud des États-Unis1 et de l’Ouest du Canada, où elle se manifeste par des options nettement néolibérales face à l’intervention de l’État et par la présence de courants de pensée très conservateurs concernant la famille (on pense aux positions Provie, par exemple, ou aux attitudes négatives face aux unions homosexuelles). Dans le Québec d’avant les années 1960, cette méfiance de l’intervention de l’État était très présente, mais pour d’autres raisons. Porté surtout par les élites cléricales, cet anti-étatisme suivait les recommandations formulées à la fin du XIXe siècle par Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum. C’est pourquoi, dans la première moitié du XXe siècle, c’est avec hésitation ou en retard sur les autres provinces canadiennes que le Québec a adopté certaines politiques en direction des familles (par exemple, les pensions de vieillesse, les prestations aux mères nécessiteuses, les allocations familiales) (Dandurand, 2000). Depuis la décennie 1960, avec la désaffection à l’égard de l’Église et la montée de l’État-providence, il est devenu de plus en plus légitime pour les Québécois de considérer que l’État pouvait intervenir dans la vie des familles. Parmi ses premières interventions, on note une modernisation du Code civil, hérité de la France et alors très en retard sur la Common Law du Canada anglais pour ce qui est de l’équité des sexes. En effet, jusqu’à 1964, notre Code civil conserve les notions de puissance maritale et de...

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