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Chapitre 2_Les programmes d’études à l’heure du constructivisme et du socioconstructivisme: Quelques réflexions
- Presses de l'Université du Québec
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C H A P I T R E 2 Les programmes d’études à l’heure du constructivisme et du socioconstructivisme Quelques réflexions Jacques Désautels Université Laval et CIRADE jacques.desautels@fse.ulaval.ca Marie Larochelle Université Laval et CIRADE marie.larochelle@fse.ulaval.ca 50 Les réformes curriculaires RÉSUMÉ Un programme d’enseignement n’est pas un acteur éducatif quelconque. Grâce à ses diverses connexions, notamment avec les procédures d’évaluation, il a la capacité de (re)configurer la situation éducative, en dictant ce qui doit être tenu pour légitime et recevable non seulement sur le plan des contenus et des pratiques d’enseignement, mais aussi sur celui de l’épistémologie qui les informe. Par exemple, la réforme scolaire qui est en cours au Québec se réclame d’une épistémologie dite constructiviste. Que faut-il entendre par là ? De quel type de constructivisme s’agit-il ? Voilà quelques-unes des questions à l’origine de ce chapitre, qui jette un éclairage sur ce que l’on peut entendre par constructivisme et par socioconstructivisme. [3.237.65.102] Project MUSE (2024-03-28 18:42 GMT) Les programmes d’études à l’heure du constructivisme et socioconstructivisme 51 La réforme scolaire amorcée, il y a déjà quelques années, par le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) comprend un ensemble diversifié de chantiers (décentralisation des pouvoirs, nouvelles structures locales, etc.) dont celui de la réforme des programmes d’études du primaire et du secondaire. Cette réforme constitue une opération sociopolitique complexe puisque tout programme constitue l’une des formes de « traduction » des finalités qu’un État assigne à l’éducation suivant une certaine représentation de la société et du comment il faut penser et agir au sein de celle-ci. En ce sens, un programme n’est pas un acteur éducatif quelconque. Grâce à ses diverses connexions, notamment avec les procédures d’évaluation, il a la capacité de (re)configurer la situation éducative, en dictant ce qui doit être tenu pour légitime et recevable tant sur le plan des contenus et des moyens d’enseignement pédagogiques que sur celui de l’épistémologie qui les informe. À cet égard, la réforme en cours tient de la valse-hésitation. Ainsi, au moment où nous avons rédigé ce texte, elle se réclamait du cognitivisme et du socioconstructivisme. Ce mélange des genres a de quoi surprendre, d’autant plus que, quelques années auparavant, lors de la réforme des programmes de sciences du secondaire, entre autres, c’était le constructivisme (plutôt un certain constructivisme) qui avait la cote. Il serait sans doute fort instructif de faire la sociogenèse de ce changement d’affinité paradigmatique , tout comme de l’étonnante association du cognitivisme et du socioconstructivisme qui en est résultée. Mais tel n’était pas notre objectif : nous voulions tout simplement, à partir des propos sur la cognition que véhiculait le programme de formation pour le préscolaire et le primaire de l’époque (MEQ, 2000, section 1.5), jeter un éclairage sur ce que l’on peut entendre par constructivisme et par socioconstructivisme. Depuis ce temps, des modifications ont été apportées à ce qui tenait lieu de mise en bouche épistémologique du programme, avec pour résultante un retournement paradigmatique de plus ! On a ainsi fait disparaître toute allusion aux perspectives cognitiviste et socioconstructiviste pour se rabattre sur un couple tout aussi, sinon plus, étrange, soit le béhaviorisme et le constructivisme, en recourant à une justification chèvre-chou. Sous la rubrique qui a pour titre « Un programme qui reconnaît l’apprentissage comme un processus actif » (MEQ, 2001, p. 5), on raconte ainsi, sans frémir, que certains apprentissages seraient d’inspiration béhavioriste parce que relevant de la mémorisation, alors que d’autres se rattacheraient plutôt au constructivisme, compte tenu de la restructuration des connaissances qu’ils impliquent. Or, par définition, le béhaviorisme (classique) n’est guère porté sur les processus actifs. Il s’est rendu célèbre par une conception qui situe l’apprentissage non pas comme un processus dont le sujet est le maître d’œuvre, mais bien comme une modification de comportement résultant de contraintes externes ; l’apprentissage s’y décline donc sous le mode du 52 Les réformes curriculaires subi plutôt que...