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C H A P I T R E LE CONCEPT D’AGRESSIVITÉ PHALLIQUE DANS LA THÉORIE SEXOANALYTIQUE ET PSYCHANALYTIQUE Jean-Pierre Trempe Je n’ai jamais été très à l’aise avec le concept d’agressivité phallique. M’intéressant depuis quelques années aux rapports de sexe, ce concept me paraissait donner raison aux féministes qui dénonçaient la domination que l’homme voudrait exercer sur la femme. D’autant plus que l’agressivité phallique est présentée, en sexoanalyse, comme l’une des caractéristiques d’une sexualité mature et satisfaisante. Elle vient donc transformer ce qui pouvait apparaître comme un abus de pouvoir lié à des contingences historiques, en une composante essentielle de l’érotisme . L’homme doit être capable de déployer son agressivité phallique et la femme, en retour, doit être en mesure d’érotiser celle-ci. Comment ne pas associer cette conception de l’érotisme à une représentation patriarcale des rapports de sexe? 2 26 ÉROS AU FÉMININ – ÉROS AU MASCULIN Je ne pense pas, cependant, qu’il faille récuser un concept à partir du sentiment qu’il suscite en soi. La théorique psychanalytique fourmille de notions irritantes, pour plusieurs en tout cas. Pensons aux complexes d’Œdipe et de castration, à l’envie du pénis, au refoulé, à la sexualité prégénitale, etc. La conception d’un étayage de l’agressivité sur les zones érogènes soulève des réactions semblables. Le corps, dans son fonctionnement et son organisation même, appelait selon Freud (1905) la rencontre continue des pulsions sexuelles et agressives. Lorsque le bébé se nourrit au sein ou au biberon, ses muqueuses sont excitées et lui procurent un plaisir qui ne se réduit pas à la satisfaction de ce besoin vital. Au même instant, et à l’occasion de l’activité de boire, l’enfant mord l’objet qui sert à le nourrir, il détruit le lait en le faisant disparaître en lui, en l’assimilant. La libido et l’agressivité naissent donc en même temps, et à l’occasion d’une même activité corporelle. Un étayage semblable sera construit à propos des autres zones érogènes. Nous les retrouverons plus tard dans les gestes érotiques, les fantasmes et le vocabulaire sexuels. Ceux-ci prendront alors la coloration propre aux zones érogènes impliquées. Malgré les réserves spontanées que de telles notions peuvent provoquer en nous, elles conservent leur potentiel heuristique. Nos valeurs personnelles peuvent nous pousser à fermer les yeux sur une certaine réalité, à souhaiter qu’il en soit autrement. Mais comment nous laisser porter par elles alors que l’on cherche à analyser, à comprendre (le plus objectivement possible) les manifestations de la sexualité humaine. En ce sens, je dois reconnaître à Crépault (1997) un certain courage pour avoir construit un modèle théorique du développement de la sexualité humaine dans ses formes heureuses ou distordues en s’appuyant sur une école de pensée, la psychanalyse, qui n’a pas de nos jours une très grande cote d’amour. Courage aussi, pour avoir formulé des propositions qui semblent se dissocier d’un immense courant social qui cherche à rétablir un rapport égalitaire entre les sexes. Le concept d’agressivité phallique constitue à mes yeux la résistance la plus marquée à ce mouvement. Mais nous ne pouvons pas nous appuyer sur un courant social pour évaluer la pertinence de ce concept. Je suis assuré de plus qu’il y a lieu de se méfier de sa propre dynamique érotique lorsque des concepts nous font réagir émotivement. Mais alors que penser de l’agressivité phallique? Un concept a sa raison d’être dans une théorie lorsqu’il nous permet de mettre de l’ordre, de la compréhension, du sens dans les faits qu’elle tente d’expliquer. Il mérite de conserver sa place aussi longtemps qu’un autre concept ne [18.189.180.76] Project MUSE (2024-04-25 09:32 GMT) LE CONCEPT D’AGRESSIVITÉ PHALLIQUE 27 s’est pas avéré plus utile que lui. Une théorie doit être partagée, du moins dans ses fondements les plus essentiels, par une communauté de chercheurs dignes de ce nom (démarche rigoureuse, communicable, susceptible d’être reprise par d’autres, etc.). En clinique, nous pouvons dire qu’un concept est justifié lorsque la compréhension qu’il nous permet d’avoir aide notre client à progresser dans la...

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