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C H A P I T R E L’ÉROTISATION ATYPIQUE FÉMININE Un continent perdu de la sexualité Hélène Côté The pervert is not making love; he is making hate. L. KAPLAN Female Perversion (p. 40) Depuis le début des temps, la sexualité féminine a suscité de nombreuses interrogations. Une rétrospective des auteurs contemporains démontre que la sexualité de la femme comporte du mystère, éveille des inquiétudes et se révèle encore un continent gris en raison de sa complexité et de sa subtilité. Moins facilement appréhendée que la sexualité masculine , un regard ethnologique met en évidence les mythes qui pullulent à son sujet: la sacralisation de la femme-mère ou vierge ou les incertitudes 5 86 ÉROS AU FÉMININ – ÉROS AU MASCULIN propres à chaque culture en ce qui concerne la féminité, comme le soulignent, par exemple, le mythe du «vagina dentata» et la démasculinisation symbolique par la clitoridectomie. D’un point de vue clinique, si trouble il y a dans la sexualité féminine, celui-ci renvoie davantage à l’absence d’une phase ou d’une autre de la réponse sexuelle ou à la difficulté de centrifuger les sensations érotiques ou de les départir du «trop» de son aspect fusionnel. Pourtant, loin de sa seule représentation de terre «silencieuse ou sainte », l’érotisme féminin recèle aussi des avatars ou des vicissitudes, tout comme son complément masculin. Je propose une exploration des voies clandestines de la sexualité féminine ainsi que des hypothèses à partir d’une lecture sexoanalytique de ce phénomène peu reconnu. Je ne saurais établir avec précision les lois de l’excitation érotique atypique. D’abord, le nombre de mes cas cliniques est insuffisant pour me prononcer en faveur d’une théorisation . Ensuite, ce phénomène, encore si répudié même par les auteurs intéressés, m’oblige d’abord à «défricher» le terrain de l’atypie sexuelle féminine, ce que j’ai appelé «le continent perdu de la sexualité féminine». Les propositions suivantes découlent donc d’un amalgame des théories actuelles en sexoanalyse sur le développement psychosexuel et ses achoppements (Crépault, 1997) avec mes observations cliniques sexoanalytiques de cas d’érotisation atypique féminine. L’ATYPIE SEXUELLE FÉMININE Selon la vision traditionnelle des auteurs connus pour étudier la question des perversions, celles-ci furent le lot quasi exclusif des hommes. Freud (1905) généralisait en attribuant la perversion aux hommes et la névrose aux femmes. De son côté, Bak (1974, dans Richards, 1990) soumettait l’insuffisance d’évidences pour confirmer la présence du fétichisme chez la femme. Leur prédécesseur, Krafft-Ebing (1886), fut l’un des rares auteurs à reconnaître et à oser décrire en détail de manière complète, dans son ouvrage Psychopathia sexualis, le pendant féminin des diverses formes de perversions sexuelles. Cependant, il attribuait souvent ces inclinations perverses féminines à l’influence et à la soumission à un homme ou à une psychopathologie. [3.145.169.85] Project MUSE (2024-04-20 15:25 GMT) L’ÉROTISATION ATYPIQUE FÉMININE 87 Plus près de nous, en 1979, le cas de Karen Greenlee, une jeune nécrophile âgée de 25 ans, a inspiré l’horreur sur le territoire américain lorsqu’elle confessa avoir profané, depuis l’âge de 21 ans, 20 à 40 corps d’hommes avec lesquels elle a pratiqué la fellation et eu des relations coïtales (Quamstrom, 1983). Elle a révélé ses passions sexuelles morbides comme suit: elle imagine le torse poilu, les traits irréguliers et les jambes musclées de la dépouille du jeune homme séduisant qui se trouve dans la pièce du dessous. C’est la première fois, mais elle sait qu’il lui procurera quelque chose d’exceptionnellement extraordinaire, une gratification sexuelle et émotionnelle. Elle se sent trembler de passion comme si elle allait exploser. Elle dit: «Je vérifie son estomac. Il m’excite. Je l’embrasse sur la bouche. Je sens alors une montée de mouvements, douleur, solitude, peur, mais aussi réconfort. Je pleure un peu et ensuite je fais l’amour au corps» (p. 55). Au moment de son évaluation clinique, Stoller (1993) a décelé les caractéristiques particulièrement étonnantes de la sexualité atypique de cette femme. Elle ne souffre...

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