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Le nationalisme a généralement mauvaise presse. Pour plusieurs, cette idéologie renverrait à la volonté de conserver une identité particulière, construite artificiellement autour de référents qui peuvent être entre autres historiques, éthiques, religieux ou culturels. Elle glorifierait une identité collective au détriment des autres et pourrait conduire à vouloir préserver l’unité et l’homogénéité de la population. Sur le plan politique, elle alimenterait des mouvements cherchant soit à préserver ou à accroître l’autonomie au sein d’espaces politiques plus vastes, soit à réclamer l’indépendance de l’État national. En somme, le nationalisme s’opposerait conceptuellement à la reconnaissance et au respect du pluralisme constitutif des États modernes et à l’universalisme des valeurs. Le nationalisme québécois n’a pas échappé à un certain opprobre, dans la mesure où lui fut reproché le fait de mettre l’accent sur une identité fondée sur des caractéristiques ethniques et non civiques. La définition du Québec en tant que « société distincte » a été présentée comme étant incompatible avec les valeurs d’égalité des individus. En d’autres termes, le nationalisme québécois a été associé à un certain ethnicisme puisque soi-disant limité aux seuls Canadiens français dits de souche, excluant par le fait même ceux qui n’appartiennent pas à ce Chapitre 7 le nationalisme québécois dans la tourmente des relations fédérales-provinciales : entre le fédéralisme renouvelé et l’indépendance François Rocher groupe. Cette lecture du nationalisme nous semble réductrice pour deux raisons. D’abord, elle oublie de mentionner que l’identité qui s’est constituée autour d’une certaine idée de la nation s’est profondément modifiée dans le temps. Cette identité a émergé dans un rapport inégal et conflictuel, marqué au sceau du colonialisme. C’est dans le contexte d’un rapport entre populations minoritaire et majoritaire que doit être comprise l’évolution d’un nationalisme. Cette lecture oublie surtout de faire une distinction qui nous paraît essentielle entre nationalisme, comme l’un des référents identitaires et mémoriels d’un parcours historique particulier, et projet national. Celui-ci exprime la manière dont les rapports sociaux et politiques doivent se constituer. Le projet politique peut être soit inclusif ou exclusif, reconnaître ou refuser la diversité des appartenances et des identités, accorder ou non des droits aux individus appartenant à des groupes minoritaires, favoriser ou non l’égalité des individus, etc. À cet égard, considérer l’idéologie nationaliste comme étant, par essence, conservatrice et fermée nous semble être une erreur analytique. Cela ne prend en considération ni son inscription dans l’histoire ni l’hétérogénéité de ses manifestations. Dans un espace continental où l’anglais est la langue dominante, dans un espace économique Le nationalisme québécois dans la tourmente des relations fédérales-provinciales 93 marqué par les aléas de la Conquête militaire britannique de 1759 et du contrôle exercé par les capitaux « étrangers » (britannique, anglo-canadien et américain), dans un espace politique où les Canadiens français avaient historiquement été subordonnés aux intérêts de la majorité, dans un espace religieux où le protestantisme se déclinait en grande partie en langue anglaise et le catholicisme, en grande partie en langue française, il n’est pas étonnant que le nationalisme canadien-français ait tant insisté sur la protection et la préservation de la langue française et de sa culture (définie d’abord essentiellement en fonction de la religion avant de s’élargir à d’autres dimensions). Il n’est pas étonnant non plus de constater que, plus récemment, le nationalisme s’est articulé autour d’une idéologie de « libération nationale » du peuple québécois et qu’il a voulu transformer l’environnement économique et politique qui avait contribué au statut de subordination socioéconomique d’une population pourtant majoritaire sur son territoire. Cette transformation de l’idéologie nationaliste s’est particulièrement caractérisée par un double phénomène. D’abord, on a assisté à un recentrement territorial en fonction des frontières politiques du Québec. Alors que le Canada français représentait les assises territoriales du nationalisme traditionnel, la politisation du mouvement nationaliste l’a amené à appréhender l’espace politique québécois comme...

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