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La démocratie italienne des vingt dernières années a souvent été présentée comme une sorte de laboratoire politique, au sein duquel certaines tendances communes aux démocraties contemporaines se manifestaient dans leur expression la plus extrême. Dominée par la figure centrale de Silvio Berlusconi qui fut, à plusieurs reprises, soit Premier ministre soit leader de l’opposition politique, la scène politique italienne peut être analysée essentiellement à la lumière du « cas Berlusconi », au moins dans la mesure où le but de l’analyse est de faire ressortir la dimension néopatrimoniale de la sphère publique politique et de l’exercice du pouvoir. Toutefois, l’expérience politique du « Berlusconisme » n’est pas, à son tour, intelligible en dehors du cadre historique et social dans lequel elle a pu apparaître et s’épanouir. Ainsi, les éléments néopatrimoniaux que l’on peut déceler dans une pratique répandue de privatisation du public et de publicisation du privé doivent être analysés comme les ingrédients d’une dynamique plus complexe, combinant des facteurs à la fois structurels et conjoncturels. Les sources de la légitimation politique de ce cas sont en effet multiples, et peuvent être recherchées tant dans la dimension charismatique émergeant d’une conjoncture extraordinaire de crise nationale , que dans les éléments idéologiques et de représentation politique mobilisés à partir d’une structure sociale plus profonde. XII Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi : entre charisme médiatique et représentation politique et sociale Mauro Barisione [3.19.56.45] Project MUSE (2024-04-19 22:16 GMT) 276 L’ÉTAT NÉOPATRIMONIAL Dans l’analyse de cette forme de « néopatrimonialisme hybride » qui semble caractériser le cas Berlusconi, nous examinerons d’abord la genèse de ce phénomène dans son contexte historique et dans sa spécificité nationale; ensuite, nous considérerons l’interaction entre un élément de type patrimonial tel que l’usage politique des ressources médiatiques, et l’élément de nature charismatique lié à la reconnaissance publique d’un leadership perçu comme « extraordinaire ». Enfin, nous en présenterons les aspects les plus typiquement néopatrimoniaux, tout en soulignant une difficulté qui nous paraît être au fond la raison essentielle de son succès : celle de scinder clairement ces éléments d’une part et, d’autre part, le discours politique, les énoncés idéologiques et les justifications sociologiques qui concourent, par un usage stratégique et un effort communicationnel continus, à la légitimation publique de la domination berlusconienne. LA GENÈSE DU BERLUSCONISME ET LE CONTEXTE SYSTÉMIQUE ET CULTUREL Le cas Berlusconi révèle des caractéristiques à la fois systémiques et culturelles spécifiques au contexte italien. Au plan systémique, il faut souligner le rôle joué par les partis politiques comme principales ancres institutionnelles pour la consolidation et le maintien d’une démocratie qui jouissait, dans l’ère républicaine postérieure à la Seconde Guerre mondiale , d’une légitimité limitée auprès de la société civile1 . Le système de partis avait également la particularité d’être un « bipartisme imparfait »2 du fait de la présence du plus grand Parti communiste occidental. Il en résultait une polarisation inachevée, celui-ci étant dans l’impossibilité, pour des raisons de politique internationale, d’accéder au gouvernement et de rendre possible une démocratie de l’alternance. Pour ce qui est de la culture politique, le fonctionnement de la démocratie italienne renvoie à deux phénomènes que les historiens de la fin du xixe siècle mettaient déjà en lumière : la tendance à un certain « transformisme » – ou capacité à se métamorphoser politiquement – au sein de la classe politique, et la large diffusion de pratiques clientélistes aux différents niveaux du pouvoir3. Au-delà de ces données de fond, et pour bien cerner le cas Berlusconi, il est également nécessaire de retracer la genèse de son itinéraire politique, lié aux événements politiques contingents du début des années 1990. L’arrivée de Silvio Berlusconi sur la scène politique est à Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 277 mettre en rapport avec le déficit inédit de représentation que la disparition soudaine des principaux partis de la première République avait produit dans le système politique et dans la société italienne...

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