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n’était-il pas le cas de Robbe-Grillet? Ah! pouvoir s’abandonner enfin au repos, et mourir au Soi...«Qui vive? Est-ce vous, Nadja? Est-il vrai que l’au-delà, tout l’au-delà soit dans cette vie ? Je ne vous entends pas. Qui vive? Est-ce moi seul? Estce moi-même?»18 De profundis. 7 Les fantômes de Robbe-Grillet FRANÇOIS JOST Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 (France) B ien souvent, nous avons eu cette discussion avec Robbe-Grillet à propos de L’Homme qui ment: il me disait que c’était l’histoire de Dom Juan. Et je me moquais de lui, lui reprochant d’être victime de ce sens qu’il combattait. De mon côté, je préférais voir dans ce film, qui m’avait attiré vers lui, un opéra, où les motifs revenaient pour des nécessités musicales. Il faut dire que mon premier colloque en tant que conférencier avait été celui qui était consacré à Robbe-Grillet, à Cerisy-la-Salle, et que l’arrière-plan des discussions qui s’y déroulaient me donnait raison. Parler de sa vie, pour un auteur, était condamnable, comme en fit l’expérience Claude Simon, lorsqu’il se permit, un an plus tôt, d’évoquer sa vie au sujet du Palace. C’est pourquoi, quand je découvris un jour de 1973 le texte de Barthes qui plaidait pour une«critique affectueuse », je téléphonai à Robbe-Grillet pour lui exprimer mon dépit. Comment le responsable de la mort de l’auteur pouvait-il militer pour un retour à celui-ci, et à une lecture « par-dessus l’épaule »19 ? « Ne vous inquiétez pas, me dit Robbe-Grillet, Barthes aurait plutôt dû appeler son texte “par-dessous la jambe”.» Pourtant, quelques années plus tard, Robbe-Grillet allait provoquer chez moi un étonnement du même genre en publiant dans la revue Minuit un texte qui commençait par «Je n’ai jamais parlé d’autre chose que de moi. Comme c’était de l’intérieur, on ne s’en est guère aperçu.»20 Ô Mort, vieux capitaine 55 Robbe-Grillet 11c qx 10/15/10 1:50 PM Page 55 Le temps a passé et je me suis peu à peu éloigné du Nouveau Roman comme objet d’étude pour me tourner vers les études cinématographiques, puis télévisuelles. Pendant vingt-cinq ans, Robbe-Grillet a été un ami intime, avec qui j’ai partagé des moments de rire et d’intelligence auxquels il est parfois fait allusion dans les Romanesques.Y revenant pour ce colloque, je me sens un revenant dans tous les sens du terme. Et je ne sais ce qui a le plus changé : le paysage de la théorie littéraire ou moi, qui associe aujourd’hui l’œuvre à l’auteur que j’ai connu. On pourrait me reprocher de retomber dans l’ornière dont nous avait sortis la Nouvelle Critique. Nonobstant, je jouerai aujourd’hui le rôle de ces personnages qui avaient pour Robbe-Grillet la consistance de fantômes, et je viendrai à mon tour hanter celui qu’il fut dans ses œuvres. Peut-être d’ailleurs n’est-ce que prendre au sérieux le rôle qu’il m’a écrit, puisque, dans Les Derniers jours de Corinthe, d’abord désigné comme François Jost, qui l’accompagne avec Claude Simon dans une promenade dans le Soho new-yorkais (DJC: 125), je deviens finalement gost, fantôme qui hante le réveillon: «Vers cette même époque, mais la saison est maintenant beaucoup plus avancée, nous recevons des amis qui doivent passer quelques jours à la maison: Frank (versus Michel)Verpillat, les Fano, Marie-Ève, Françoise Hamel, Gost, peut-être aussi Christine Boisson.» (156). Puis nous nous sommes perdus de vue. L’hybris robbe-grillétienne Ce soir-là, en roulant vers Paris dans son automobile, je me rappelle avoir raconté à Jérôme (était-ce un gage de reconnaissance?) que la fillette du Voyeur avait existé bel et bien, comme d’ailleurs tout ce qui se trouve dans mes livres, qu’elle ne s’appelait ni Violette ni Jacqueline, mais Angélique, et que je dirais peut-être un jour sa vraie histoire. Le ferai-je ? (AE: 237) Ce texte révèle évidemment une contradiction avec ce que Robbe-Grillet affirme à d’autres reprises : comment peut-il parler d...

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