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tout en signant l’ambivalence de la position perverse, nous conduit aussi à souligner la forme voyeuriste qu’elle revêt dans ce roman. Par l’appareillage visuel qu’elles constituent, les jalousies, mais tout aussi bien les paragraphes du texte qui en constituent comme les lames, permettent au champ restreint, voire scindé du regard narrateur – dont le souci de passer inaperçu traverse jusqu’à l’énonciation du texte – de jouer par ce cadrage avec les représentations et d’instaurer un jeu avec la réalité en instaurant du jeu dans la réalité. C’est ainsi qu’en abolissant dans le récit la différence entre la perception et le fantasme, en donnant un statut indécidable aux représentations qu’il nous offre, le texte peut tenter d’abolir la différence des sexes ou, tout au moins, la tourner en jeu, en faire un spectacle, une scène, se la donner en représentation dans les cadrages qu’il choisit, qu’il module et enchaîne au fil des lignes à travers les lames des jalousies, entre les blancs de ces paragraphes. Car c’est dans ce lieu critique – et j’ai tenté ici de l’interroger – que se trouvent aux prises, à moins qu’ils ne cohabitent en bonne intelligence, un souci d’élaboration formelle et une pulsation inconsciente. Ainsi ces blocs sont-ils conjoints-disjoints, soudésd émembrés, par une élaboration secondaire dont la modernité formelle – préférant une forme de cohésion paradoxale à la déconstruction ruineuse du sens – fait ici bon ménage avec le rythme de l’inconscient.  Œdipe au miroir de Thanatos JEAN-MICHEL DEVÉSA Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3 (France) M a remarque inaugurale est peut-être de nature à surprendre: elle entend mettre en perspective mon propos concernant Alain RobbeGrillet et son livre La Reprise, en partant d’une allusion à André Breton opposant le récit de vie au roman et à sa prétention à représenter le réel. Je me contente de suivre avec beaucoup de modestie Roland Barthes quand il invitait les lecteurs de Robbe-Grillet à situer «dans l’activité surréaliste» l’origine de sa tentative de «provoquer le sens pour l’arrêter »67. De fait, aujourd’hui, l’« héritage » du surréalisme n’est pas à rechercher dans une hypothétique actualité de ses questionnements (il s’agirait d’une survivance) mais dans le ALAIN ROBBE-GRILLET – BALISES POUR LE XXIE SIÈCLE 292 choix des écrivains et romanciers – du moins de ceux qui importent – de se détourner d’«une littérature du moi je» et d’opter pour «une littérature du je est un autre»68, c’est-à-dire pour une écriture «consciente de son inconscience» (DJC: 17), travaillant son rapport au monde (donc à l’Histoire) et au sujet, de façon à interroger «le rôle ambigu que jouent, dans le récit moderne, la représentation du monde et l’expression d’une personne, qui est à la fois un corps, une projection intentionnelle et un inconscient» (MR : 12). En se fondant sur ce postulat, je soutiendrai que, pour Robbe-Grillet, La Reprise a valeur non pas de banale récapitulation, même si ce roman «reprend l’ensemble de [ses] petits travaux littéraires et cinématographiques, et même l’ensemble de [ses] lectures, comme si c’était le livre des livres »69, mais de«livre-clôture»: il a permis à l’écrivain de borner sa trajectoire, de marquer d’un geste magistral, à la fois ironique et concerté, la fin alors proche d’une expérience littéraire et personnelle qui avait visé à apprivoiser ses fantômes, ses angoisses et ses peurs, en les «exfiltrant» de son univers mental et en leur donnant une forme distincte des figures monstrueuses qui l’habitaient. Dans et avec La Reprise, Robbe-Grillet «revisite » le problème du père et de sa mort symbolique, thème innervant fréquemment sa production et en tous les cas au centre de la rédaction des Gommes, dont Bruce Morrissette affirmait qu’il était«l’archétype même du roman robbe-grillétien»70. Le romancier a ainsi soumis une dernière fois à la question un Œdipe lové dans une image réfractée de la mort : si Thanatos dévoile et révèle la créature gisant dans le miroir de l’écriture, c’est bien parce qu’il n’est que le masque inversé d’Eros. Le « miroir fant...

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