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préfabriqué de roman photo ou de bande dessinée? Qui d’autre que Violette pourrait avoir donné à cette hallucination collective sans cohérence la forme d’un rêve prémonitoire? Ce qui reste de vraisemblance et d’émotion dans tout le récit ne tient finalement qu’à l’ascendant discret de sa voix off qui nous guide depuis le début dans les méandres de ses fantasmes. Une voix, c’est la signature sonore d’un corps, et ici d’autant plus intensément que le corps offert de Violette aura été, d’un bout à l’autre du récit, tout ce que le spectateur peut avoir désiré. Violette s’expose. Violette rêve d’une aventure violente avec un inconnu. Avec un de ces inconnus qui la regardent, dans la salle. Il y a évidemment le mot «viol» dans Violette, c’est même par là que tout commence, dans son nom comme dans le film. Quant au fin mot de l’histoire, ou à sa chute, c’est encore elle qui nous le révèle en s’effaçant : la véritable aventure ne va commencer que dans un instant, juste après le mot « Fin ». Quelques secondes d’obscurité où tout devient possible. Au fond, s’il fallait chercher à sauver L’Éden et après, il faudrait dire que Robbe-Grillet n’y répond qu’à une seule question: «à quoi rêvent les jeunes filles ?» 7 De l’espace scénique à la cène JEAN-PHILIPPE LORET Institut des sciences politiques, Le Havre (France) I nstantanés d’Alain Robbe-Grillet occupe une place à part dans la production textuelle du Nouveau Romancier. D’abord, ce n’est pas un roman : il s’agit plutôt d’un recueil de textes courts, de « nouvelles », comme cela est indiqué sur la couverture du livre. Nous sommes donc loin des productions romanesques et néo-autobiographiques habituelles du Nouveau Romancier. Ensuite, il a principalement été rédigé au moment où RobbeGrillet cherche à renouveler les formes narratives traditionnelles symbolisées, selon lui, par l’écriture et les romans balzaciens. Nous sommes donc, à ce moment précis de sa production littéraire, dans une période d’intenses recherches scripturales et d’expériences textuelles. Enfin et surtout, avec Instantanés, le lecteur s’initie aux principaux procédés d’écriture qu’utilise Robbe-Grillet dans ses romans. Hissons les toiles! 247 Robbe-Grillet 11c qx 10/15/10 1:50 PM Page 247 Malgré ces particularités, ce petit recueil reste en retrait dans la production de l’écrivain: d’une part parce que l’auteur lui-même ne l’évoque que très rarement; d’autre part parce que la critique universitaire s’y intéresse trop peu. Pourtant, c’est un ouvrage incontournable pour qui veut se familiariser avec les romans d’Alain Robbe-Grillet : c’est le vade-mecum du nouveau lecteur, cet Autre tant recherché par le Nouveau Romancier. Parmi les six textes qui composent Instantanés, seule la nouvelle «Scène» condense l’essentiel des grandes problématiques de l’écriture robbe-grillétienne. Là encore, ce texte ne suscite pas l’intérêt qu’il mérite alors même qu’il illustre et met en jeu ce qui est fondamental dans le travail d’écriture de l’auteur, à savoir la relation entre les différentes instances du discours littéraire. C’est justement cette mise en scène des instances du discours littéraire que nous interrogerons dans une micro-lecture de «Scène ». Que nous dit «Scène» des couples auteur-lecteur et écriture-lecture? En quoi «Scène » est-il un texte précurseur de ce qui est alors en train de devenir le Nouveau Roman? Et comment Robbe-Grillet, en rapprochant et en utilisant la dimension symbolique de la cène biblique dans son propre texte « Scène», met-il en scène ce caractère précurseur du texte? Le contexte d’écriture d’Instantanés Avant de répondre à l’ensemble de ces questions, il est utile de rappeler le contexte dans lequel a été rédigé Instantanés et le texte «Scène» en particulier . Instantanés se compose de six textes présentés dans l’ordre chronologique de leur écriture, entre 1954 et 1962. Le temps de l’écriture des quatre premiers textes, « Trois visions réfléchies » (1954), « Le chemin du retour » (1954),«Scène» (1955) et «La...

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