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jeu avec l’érotisme: dès lors que les rituels (et chacun sait combien ils sont légion chez Robbe-Grillet) sont une manière d’organiser et de contrôler la force abrupte du réel, ils accèdent à la dimension érotique. N’est-ce pas ce qui, dans TransEurop -Express, avait en son temps soulevé l’ire des censeurs : l’application sérieuse, non dénuée de menace, avec laquelle Élias procédait à la mise en scène du viol avec la jeune prostituée ne disait-elle pas la réalité des forces pulsionnelles? À l’inverse, que le réel vienne à s’effacer, et la mimicry perd son pouvoir d’érotisation. Elle tourne à vide, car elle joue sur la seule iconicité de l’image photographique et se transforme en simple activité voyeuriste. Ainsi, l’activité ludique propre à Robbe-Grillet touche en fait, comme on vient de le mettre en évidence, aux fondements même du régime fictionnel. Elle met en question le rapport que le spectateur entretient avec l’univers filmique. D’une certaine manière, elle rompt avec de nombreuses règles du jeu, tout en en proposant de nouvelles. Mais leur nouveauté même en fait leur faiblesse, puisque le spectateur n’a pas encore appris à jouer avec elles. N’est-ce pas ce qui se produirait avec les derniers films ? Cela expliquerait alors la désaffection dont ils sont victimes. Mais ce n’est là qu’une hypothèse que seul un travail de recherche plus systématique et de grande envergure pourrait valider ou non. Toutefois, c’est là une autre histoire, et ce n’est plus à moi de jouer. Il ne me reste plus qu’à passer la main. 7 Revoir L’Éden et après PIERRE-MARC DE BIASI CNRS-ITEM (France) à C*** L e film L’Éden et après date de 1970. L’œuvre porte un titre très seventies dont l’énigmatique «et après» peut s’interpréter de trente-six manières, y compris comme le gage de sa postérité, ou de sa péremption. C’est de ce gage ambigu que je voudrais traiter: que reste-t-il de L’Éden et après? De quel avenir – de quel après coup, ou de quelle viabilité esthétique – ALAIN ROBBE-GRILLET – BALISES POUR LE XXIE SIÈCLE 232 Robbe-Grillet 11c qx 10/15/10 1:50 PM Page 232 la poétique filmique de Robbe-Grillet a-t-elle doté cette œuvre? Comment l’intention «nouveau roman» s’est-elle traduite ici – un peu différemment de ce qui avait pu être tenté dans L’Homme qui ment, deux ans plus tôt – par une déstructuration onirique du dispositif narratif et de ses principaux repères temporels : avec quel effet sur le destin de l’œuvre? Mais s’agissant de films dont j’ai été directement contemporain, et qui ont pu symboliser une période singulière de la pensée, je voudrais aussi saisir l’occasion pour m’interroger sur les interférences entre regard critique et rétrospection, analyse de l’œuvre et remémoration, réflexion et témoignage. Ça veut dire quoi, « dater » ? J’ai vu L’Éden cette année-là, en 1970, et après, malgré le désir ou la curiosité que j’ai pu avoir par intermittence de revoir ce film, la simple possibilité ne s’en est pas présentée pour moi, jamais, si ce n’est là, tout récemment, en 2009, de façon volontariste et un peu artificielle, grâce à l’intercession d’amis qui m’ont procuré une copie du film, et délibérément pour écrire cet article. Faute d’expérience intermédiaire, le Et après me ramène donc à maintenant. Avec une certaine sensation de vertige : il y a autant d’éloignement chronologique entre cet aujourd’hui et la sortie de ce film que par exemple entre les premiers succès de Françoise Sagan et le début de la Première Guerre mondiale. Pas étonnant si certains estiment que L’Éden et après est un film qui date. Est-ce qu’un poilu de 14-18 ne daterait pas un peu dans le scénario de Bonjour Tristesse? Mais, soyons juste, à une pareille distance temporelle, forcément, il n’y a pas que le film qui date: revoir quoi que ce soit pour la première fois après...

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