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Hymne à Hermès
- University of Ottawa Press
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Regards philosophiques sur la traduction 1 ; Hymne à Hermès1 Muse, célèbre Hermès roi de Cyllène et de l’Arcadie, fertile en troupeaux, bienveillant messager des dieux qu’enfanta l’auguste et belle Maïa, après s’être unie d’amour à Zeus ! Maïa habitait un antre ombragé bien au loin des dieux fortun és. Faisant de l’obscurité sa complice, Zeus aima cette jeune nymphe, tandis que le visage de la majestueuse Héra était apaisé par le sommeil, tandis que les Immortels et les hommes avaient les yeux comme regorgés de songes. La plus belle des Pléiades enfanta d’Hermès, un fils éloquent et rusé, voleur habile, maître des rêves, gardien des portes closes, veilleur de la nuit d’ébène. Dès qu’il fut sorti du sein maternel, il ne resta pas longtemps enveloppé des langes sacrés. Né le matin, au milieu du jour, déjà, il parlait. Quand vint le soir, franchissant le seuil de la caverne obscure, il s’élança, à la recherche d’aventures. Voyant une tortue qui, à pas lents, se traînait dans les fleurs de la plaine, l’enfant s’en saisit et, après avoir vidé l’écaille d’un stylet de bronze, il coupa des roseaux, tendit avec habileté une peau de bœuf et joignit à l’ensemble sept cordes de boyau de brebis. Ainsi Hermès créa-t-il la lyre qui charme le cœur des hommes mangeurs de pain. Cet ouvrage achevé, Hermès en joua, improvisant des vers. Comme les jeunes gens ivres quand ils désirent s’amuser, il mit en musique des conversations amoureuses, celles de Zeus son père et de la belle Maïa, sa mère. Il célébra son illustre naissance, chanta les compagnes de la nymphe, ses riches demeures, les trépieds et les bassins d’eaux lénifiantes qui se trouvaient dans sa grotte. Que ne t’es-tu arrêté là, ô fils prodigieux , tandis que ta voix était toujours la tienne et tes mots les tiens encore ! Mais l’hybris, la folle démesure, guette les Immortels autant que les hommes ! Hermès était langé dans sa grotte quand un doux mais pernicieux arôme de viande grillée le troubla. La fragrance était port ée par les vents des monts ombragés de Piérie où se trouvaient 1 Texte original inspiré de l’hymne homérique à Hermès. Pour le texte de Homère, voir les Hymnes homériques in Hésiode, Théogonie et autres poèmes, textes présentés, traduits et annotés par Jean-Louis Backès, Gallimard, Paris, 2001, p. 242-276, coll.« Folio/classique ». 2 Le complexe d’Hermès ; les bœufs d’Apollon, animaux destinés aux sacrifices divins. Le jeune Hermès voulait savourer la chair des victimes réservée aux seuls dieux. Il déposa la lyre et, aussi prompt que la pensée qui traverse l’esprit de l’homme agité de mille soucis, Hermès parvint jusqu’à une éminence ; il roulait dans son âme un projet perfide, comme en exécutent souvent les voleurs. Le fils de Maïa enleva à ce troupeau cinquante bœufs mugissants. Or, pour détourner leurs traces, il les conduisit en s’égarant à travers les détours d’un chemin sablonneux. Il employa en outre une ruse habile : il fit marcher le troupeau à reculons puis, déliant sa chaussure sur les rives de la mer, il réunit des branches de myrte et quelques rameaux de tamarix pour les tresser d’une manière admirable, incompréhensible , mystérieuse. Ayant lié ces vertes dépouilles de la forêt, il les adapta à ses pieds en une chaussure légère qui porte encore les feuilles qu’il avait prises sur la montagne de Piérie. Par la suite, quand il voudra porter ses messages, il se ressouviendra de cette ruse, si bien que l’invisibilité sera pour Hermès comme une seconde nature. Le fils ingénieux de Zeus conduisit aux bords du fleuve Alphée les bœufs aux larges fronts dérobés à Apollon. Quand vint le jour, il fut sur les hauteurs de Cyllène aussi promptement qu’une étincelle jaillit du feu. Nul ne l’aperçut, ni les dieux ni les hommes, et les chiens eux-mêmes ne donnèrent point de la voix. Seule sa mère...