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L ’idée d’un certain sens de l’histoire en marche vers la démocratie libérale – seule formule d’organisation politique pouvant générer stabilité et prospérité – imprègne non seulement la plupart des discours politiques, mais aussi de nombreux travaux de science politique. La littérature annonçant le changement démocratique abonde et la Malaysia n’y échappe pas. Pourtant, ce pays a été très peu étudié sous l’angle qui le caractérise depuis 50 ans : celui de la stabilité d’un système politique autoritaire. Ce système peut changer et le fera sans doute, mais l’étude des cinquante dernières années fournit des clés pertinentes pour comprendre un cas de stabilité politique dans un contexte autoritaire, même pour une économie en développement et mondialis ée. Pourtant les études sur la Malaysia se sont plutôt employées jusqu’à maintenant à mettre en évidence ses composantes démocratiques, à définir de nouvelles catégories pour classer ce régime ou encore à souligner la légitimité de ses gouvernements élus. Les travaux sur ce pays demeurent largement influencés par l’école de la modernisation, ayant été récemment marqués par un foisonnement de publications sur le thème du changement démocratique (Nair, 2005); la démocratisation de la Malaysia semble inévitable, car, pense-t-on, la crise de 1998 a ouvert une brèche qu’on ne pourra plus colmater. Et pourtant, plus de dix années après la crise, la Malaysia demeure un pays stable et toujours aussi autoritaire. Ni le régime parlementaire ni les institutions n’ont connu de transformations ou de réformes importantes; aucun coup d’État ni de révolution ne sont venus interrompre la régularité des élections inscrites dans la Constitution. Sans exception depuis la décolonisaConclusion 219 Conclusion tion, le gouvernement fédéral a été formé par une coalition de partis politiques, élus au suffrage universel, dominée par un parti : l’United Malays National Organisation (UMNO), toujours secondé par le Malaysan Chinese Association (MCA). Tous les processus et résultats électoraux sont prévisibles, it’s the only game in town, pourrions-nous dire en paraphrasant l’école de la transitologie (Przeworski, 1991 : 26; Linz et Stepan, 1996 : 5). Le processus électoral procure à l’équipe au pouvoir une légitimité renouvelée d’autant plus que les Malaysiens votent en grand nombre. Stabilité également dans la continuité du mod èle de régime politique de type britannique. Le chef du gouvernement, le premier ministre, est le chef de la majorité en chambre. Les militaires et les policiers, de leur côté, assurent l’ordre sous la directive des autorités publiques et conformément à la loi; ils n’ont jamais interféré avec le pouvoir exécutif. L’autorité émane du Parlement, mais s’exerce par le pouvoir exécutif. Contrastant toutefois avec d’autres caractéristiques du modèle de Westminster, des pratiques autoritaires sont bien installées dans le pays. Les Malaysiens savent qu’il est périlleux de contester le pouvoir politique et s’en abstiennent. Les manipulations législatives visant à bâillonner toute forme d’opposition, conjuguées aux multiples amendements constitutionnels et aux nombreuses arrestations sans procès, montrent à l’évidence les limites de l’espace public et des droits de la personne, et ce, autant en 1960 qu’en 2007. Ces pratiques sont ancrées dans les processus politiques et codifiées dans les institutions nationales depuis 1957. Le contrôle des médias, le fonctionnement du système électoral, les mécanismes du régime parlementaire, les amendements constitutionnels qui limitent la liberté d’expression même au sein des assembl ées législatives, toutes ces pratiques sont autant de freins à la représentation et à l’expression démocratique des citoyens. Non seulement une victoire électorale de l’opposition a-t-elle été impossible jusqu’à présent, mais le rôle même de l’opposition en chambre est limité de manière à l’empêcher de faire contrepoids au pouvoir exécutif. À l’encontre de travaux antérieurs, cette recherche a démontré que la Malaysia n’est pas une démocratie consociative; le gouvernement y est dominé par un seul et même parti politique aux mains des Malais. Le rejet du bilinguisme en 1967, l’introduction de la NEP et surtout de l’Industrial Coordination Act en 1975, l’intransigeance envers les...

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