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243 America, My Home Comme tout pays, le Canada a été construit à partir de l’héritage matériel, intellectuel et spirituel des peuples qui ont eu leurs foyers dans son territoire avant qu’il ne fût Canada. Le Canada, cependant, est une terre spéciale, en fait sacrée, dans le sens que ses peuples originaux n’ont pas le souvenir de s’être livré des guerres de dépossession pour des raisons économiques ou religieuses (peut- être en partie à cause du retrait récent des glaciers et, donc, de sa relativement brève habitabilité depuis lors). Les conflits (d’ailleurs de faible envergure) qu’ils ont connus furent généralement des conflits d’honneur, impliquant vengeance et réparation. Dans mon ordre d’idées, j’emploie le mot « sacré » en référence au fait que le territoire du Canada n’est pas entaché d’une histoire de guerres massives impliquant armées, conquêtes et génocides économiques et religieux. Les prédécesseurs du peuple canadien furent des gens qui utilisèrent leur temps et leurs ressources physiques et mentales pour connaître intimement leur Terrem ère et, donc, penser des cultures et une civilisation d’ensemble qui fussent en accord avec la nature, la pensée et le langage spirituel de celle-ci. Regardé sous cet angle, le Canada que nous avons aujourd’hui est la création d’autres gens qui durent délaisser leurs pays et leur histoire et qui trouvèrent ici l’héritage riche, pur et propre que déposèrent généreusement dans leurs mains ceux qu’ils étaient destinés à mépriser ; ils tentèrent de les déposséder et voulurent les assimiler à une civilisation en laquelle ils ne purent jamais croire.De ce point de vue aussi, il est possible de concevoir la présence, chez les peuples autochtones, d’une foi vivace, bien que réprimée et encore dissimulée, en leur capacité et en leur responsabilité de rétablir en son essence l’ordre que leurs ancêtres avaient créé de concert avec les lois de la Nature2 . Dans mon livre Huron-Wendat. Une civilisation méconnue, j’ai expliqué comment le Canada est l’héritier d’un trésor civilisationnel wendat-algonquien, entre autres, qu’il méconnaît. Cet ouvrage expose la démarche philosophique, sociale et territoriale pluriséculaire des Wendat préeuropéens, qui eut pour résultat de créer une société multilingue et multiculturelle de nations, qui éventuellement constitua la force sur laquelle la France fit tourner sa stratégie imp ériale en Amérique du Nord et sur laquelle les fondateurs du Canada assirent 2 En 166, un chef wendat avait décrit l’action désordonnée des Blancs comme « le renversement du pays ». Québécois et Canadiens 244 leur imposante création. Longtemps avant l’arrivée des Français chez eux, les Wendat avaient créé un « pays », qu’ils nommaient Wendaké (Huronie pour les Français du xviie siècle). Le Wendaké était un territoire d’étendue assez restreinte (moins de 600 kilomètres carrés), mais une véritable clé géopolitique, puisqu’il était au croisement des principales routes naturelles de commerce. Renommés pour leur génie politique et commercial, les Wendat, qui constituaient la plus importante confédération du Nord-Est, avaient élu d’établir le foyer de leur civilisation, le Wendaké, à l’endroit géographique qui leur offrait une proximité stratégique aux nombreux peuples algonquiens du Nord, affiliés culturellement et politiquement à une multitude d’autres peuples, de familles linguistiques souvent disparates. Pour conserver et amplifier des réseaux commerciaux et politiques qu’ils avaient cultivés depuis des siècles, les Wendat se concentrèrent rapidement au Wendaké, à partir des années 1250-100, plutôt que d’opter pour les terres agricoles plus au sud,plus fertiles et moins sujettes au gel hâtif. Bien que proprement wendat sur les plans culturel et linguistique, le Wendaké fut une création à laquelle participèrent aussi,et de façon importante, plusieurs peuples algonquiens circonvoisins, pour lesquels le Wendaké devint, et pour longtemps (c’est-à-dire jusqu’au début de sa destruction, vers 160), un territoire d’échanges privilégiés et fraternels de plusieurs natures : éducative, cérémonielle, médicale, sacrée, diplomatique et, bien sûr, mat...

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