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America, My Home 215 matricentriste et circulaire la plus intacte de la planète. Pour l’ensemble de nos peuples de l’Amérique, les conséquences de cet accident furent et continuent d’être tragiques. Je voudrais maintenant que nous considérions comment certains penseurs amérindiens regardent l’histoire postcontact de leur continent et comment une vision amérindienne de cette histoire est capable de nous fournir, à nous, modernes, des solutions à nos impasses sociopolitiques et idéologiques présentes et à venir. Puisque notre génie propre (notre compréhension indienne des choses) nous commande d’affirmer et de renforcer l’unité et l’intégrité de notre continent,notre observation nous fait voir aujourd’hui quatre Amériques, superficiellement différentes à cause de leur couleur linguistique et culturelle européenne respective : une Amérique anglophone, une francophone, une hispanophone et une lusophone (c’est-à-dire de langue portugaise). Mon frère innu et moi participons de l’Amérique francophone ; mes frères dakota et déné vivent en Amérique anglophone ; nos sœurs kogi et quechua sont héritières de l’Amérique hispanophone et nos autres parents kayapó et yanomami ont comme deuxième langue le portugais dans leur Amérique lusophone. Pour nous, Amérindiens, ces différences ne sont qu’accidentelles et, plutôt que de nous diviser, nous aident à nous rejoindre dans notre indianité. Pour les Euro-Américains en général, ces mêmes différences relèvent d’une mythologie sociale extrêmement sérieuse. Des oppositions, voire des guerres se sont livrées et d’autres se trament à tous les jours au nom de différences culturelles ou religieuses, en réalité superficielles, oppositions et guerres dont la rhétorique ne réussit jamais à cacher le vrai motif,qui est la possession matérielle du territoire et des biens qu’il produit pour l’élite patriarcale. Mon regard personnel sur chacune de nos quatre Amériques euro-américaines est le suivant, à commencer par la quatrième, lusophone : le Brésil est une société faiblement métissée où les peuples amérindiens continuent à disparaître le plus rapidement, c’est-à-dire au rythme d’au moins une entité humaine survivante par année. Par « métissage », je veux dire le mélange du sang et de la culture matérielle entre Euro-Américains, principalement, et le peuple aborigène amérindien. Je ne partage pas l’opinion d’autres observateurs selon laquelle le phénomène de métissage, en Amérique, exige une amalgamation de Quatre Amériques 216 deux cosmovisions d’où l’euro-américaine ressort la prépondérante, en regard à la simple réalité du déséquilibre démographique entre les deux populations. Au contraire, je soutiens, à l’instar de plusieurs autres observateurs, pas exclusivement amérindiens,que la cosmovision européenne,parce qu’elle est sans racines, ici,en Amérique,est destinée à flétrir et,donc,à céder devant la réaffirmation et la redéfinition moderne de la pensée autochtone de l’Amérique profonde. J’ai exprimé ce concept par l’expression « américisation de l’Amérique». L’Amérique hispanophone, la plus métissée des quatre, est, avec la précédente , celle où il y a eu le moins de compromis politique entre l’Europe et l’Amérique. Le rapport en fut un de conquête directe et brutale et continue de l’être, notamment dans les pays hispanophones à forte population amérindienne , tels la Bolivie, le Mexique, le Pérou, le Guatemala et l’Équateur. Par ailleurs, cette absence de distanciation politique, nécessairement accompagn ée d’une profonde arrogance culturelle, eut pour résultat la constitution d’États-nations où les populations autochtones survivantes sont marginalisées économiquement et politiquement, mais sont beaucoup plus exemptes de la marginalisation additionnelle aux plans social et racial dont sont affligées les populations autochtones du nord du continent,c’est-à-dire celles des États-Unis et du Canada (l’Amérique française, constituée essentiellement par le Québec, doit être regardée différemment). On pensera naturellement à la multitude de peuples autochtones « mis en réserves » dans ces deux pays. L’Amérique anglo-saxonne et l’Amérique francophone4 , toutes deux nordiques , sont assez différentes des deux autres. Leur histoire s’est distinguée par une certaine distanciation idéologique...

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