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CHAPITRE 12 Assez mais pas trop : la formation en nursing au Canada anglais (1874-2000) Lynn Kirkwood Les écoles de nursing ont vu le jour pourpermettre d'améliorer l'organisation hospitali ère et la qualité des services aux patients. Elles constituaient simplement un moyen pratique d'atteindre cet objectif; elles n'étaient pasdestin ées à faire avancer la cause de l'enseignement supérieur ou à contribuer à l'avancement global de la connaissance humaine. Les administrateurs médicaux, et aujourd'hui les responsables gouvernementaux , voulaient une main-d'œuvre bien disciplin ée et à bon marché; les médecins souhaitaient une infirmière dotée d'une personnalité plaisante et d'unbon caractère — en d'autres mots, unepersonne avec laquelle il était agréable de travailler et qui ne contesterait pas leur autorité. Pour leur part, les infirmières et les infirmières enseignantes n'avaient pas le pouvoir de façonner l'avenir de la formation en nursing et la profession naissante du nursing. À l'origine, les bases d'autonomie financière et administrativequi avaient permis à Florence Nightingaled'implanter le nursing moderne au St. Thomas en Grande-Bretagne étaient inexistantes en Amérique du Nord. De plus, l'élite de la profession n'y occupait pas la position sociale et n'avait pas le poids politique nécessaires pour persuader un monde dominé par les hommes de partager le pouvoir et la prise de décisions. Par conséquent, pour les candidates des premières écoles de nursing au Canada et aux États-Unis — et même en Grande-Bretagne où l'élite infirmière possédait un peu plus d'influence —, l'accent était surtout mis sur le service à donner, plutôt que sur le perfectionnement éducationnel ou professionnel individuel. Par ailleurs, il apparaissait évident qu'il fallait surmonter la réputation entachée de la soignante non qualifiée de la première heure. La respectabilité sociale devenait donc la première exigence, et on attendait des candidates en nursing «qu'elles acquièrent une éducation minimale et une réputation maximale sur le plan moral1». Même l'uniforme de l'infirmière reflétait les valeurs bourgeoises. Le col montant, les longues manches et la jupe descendant jusqu'aux chevilles servaient à rappeler aux patients et aux infirmières elles-mêmes le caractère féminin de la profession qu'elles avaient choisie. Les arguments invoqués à l'encontre des aspirations éducationnelles des infirmières, et de l'instruction des femmes en général,incluaient des affirmations relatives à l'inférioritéintellectuelle des femmes et à leur propension apparemment «naturelle» au service domestique. Pour gagner le respect et la reconnaissancede la société du XIXe siècle, les infirmières devaient endosser les valeurs de la classe moyenne. On mena les tentatives de réforme des hôpitaux comme s'ils'agissait d'une extension du rôle des femmes au foyer. D'après Adelaide Nutting,la première enseignante canadienne en nursing à l'UniversitéColumbia,«la gestion hospitalière consistait en du travail ménager spécialisé à plus grande échelle2». Le nursing avait pour mandat de ne pas perturber les Assez niais pa§t^op ; la foria&tiQi* en nursing &$Çfàa»fo anglais '(ity^o^ô} 183 Figure i Nora Livingston, directrice des soins Hôpital général de Montréal Vers 1895 Archives de l'Université McGill, PUo27O43 rapports traditionnels hommes-femmes. Cette position ne constituait pas une menace aux ambitions professionnelles des médecins, ni à leur emprise sur les services de santé. La profession médicale estimait qu'une certaine formation donnée par des médecins profiterait aux infirmières, mais pas trop pour éviter que les tâches terre-à-terre des soins aux malades ne les ennuient. Les compétences pratiques , domestiques des infirmières étaient un complément aux compétences intellectuelles, scientifiques des médecins. L'image de l'infirmière était par conséquent celle d'une «bonne fille», dévouée, passive, remplie d'abnégation, moralement supérieure aux hommes, mais subordonnée aux médecins. Les récits sur la formation en nursing sont essentiellement des comptes rendus louangeurs, habituellement rédigés par des diplômées à l'occasion d'un anniversaire particulier. Ces descriptions mettent l'accent sur la camaraderie, les joies et les aléas de la vie en résidence, et racontent avec humour, par le chant et les rimes, leurs rapports avec les patients et les épreuves dans les salles de...

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