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ioo LA COMMISSION PEPIN-ROBARTS, QUELQUE VINGT ANS APRÈS Tableau 1. Perceptionsparmi les Québécois francophones concernant l'effet de l'indépendance sur la langue et la culture Question : Advenant l'indépendance, la situationde la langue (et de la culture) française... Dates des sondages 1977 a 1984 b 1993-1994c 1995 d S'améliorerait 51 % 38% 37% 42% Resterait la même 24% 42% 48% 47% Se détériorerait 13% 14% 12% 9 % Autre réponse 13% 6% 4% 4 % Notes : a. Moyennes de deux sondages b. Un sondage c. Moyennes de deux sondages d. Moyennes de quatre sondages Source : Maurice PINARD, Vincent LEMIEUX et Robert DERNIER, Un combat inachevé, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec, 1997, p.335. Conclusion La conclusion des commissaires reste indéniable : « La langue a toujours été au Canada source de controverses ». Mais, faut-il ajouter, ces controverses sont loin d'être uniques dans le monde. La maîtrise orale et écrite d'une langue est un élément important qui détermine la productivité d'un individu, et faire en sorte que la totalité de la population sache lire et écrire convenablement est sans doute l'investissement le plus important qu'une société puisse faire en matière de « capital humain13». Cela dit, le « marché linguistique » est marqué par ce qu'on appelle, dans le jargon des économistes, une externalité14 . Tout individu qui maîtrise une langue reçoit un bénéfice personnel : il peut dorénavant communiquer avec tous ceux qui parlent cette langue. Mais, en plus, il crée un bénéfice externe, un bénéfice pour ceux qui avaient déjà investi dans la maîtrise de cette langue : maintenant, leur réseau de communication s'est élargi. Cet effet externe est d'une importance telle que seuls les membres des plus grandes communautés LA LANGUE, TOUJOURS SOURCE DE CONTROVERSES 1O1 linguistiques peuvent se permettre de l'ignorer. Toute communauté se sachant en position linguistique précaire en est, par contre, très consciente et, aux quatre coins du monde, cescommunautés cherchent à promouvoir et à protéger le capital humain incorporé dans leurs langues respectives. Depuis 1774, la politique linguistique québécoise fournit un exemple de cette prise de conscience. L'Inde et le Pakistan en fournissent un autre. Nehru, le premier à prendre en charge son nouveau pays après son accès à l'indépendance en 1947, était un intellectuel cosmopolite. Il n'éprouvait que peu d'intérêt à l'égard des demandes des nationalistes régionaux concernant la protection de leurs langues respectives. Il a fallu des manifestations violentes dans le sud du pays avant qu'il ne cède et qu'il accepte la redéfinition des frontières des Etats membres de la fédération. Essentiellement, ces nouvelles frontières politiques suivaient les frontières des communautés linguistiques. Les Indiens en sont ainsi venus à un compromis intellectuellement inélégant mais tolérable : une langue officielle (le hindi), une langue officielle associée (l'anglais) et 18langues régionales officielles15 . Par contre, les dirigeants pakistanais ont refusé un tel compromis. Ils ont essayé d'imposer l'urdu, une langue de l'élite que seule une minorité connaissait dans la partie ouest du pays. Personne ne la parlait dans l'Est. Le refus de permettre l'utilisation du bengali dans les études supérieures à Dhaka a provoqué, en 1952, des manifestations dont la répression a été le catalyseur qui a déclenché un mouvement sécessionniste. Deux décennies plus tard, est né le Bangladesh. Le nom du nouveau pays veut dire carrément « pays où l'on parle bengali ». Partout où deux ou plusieurs communautés linguistiques se côtoient à l'intérieur d'un même territoire de compétence, il y a un potentiel de conflits. Pour régler ces conflits, il n'y a pas de solution parfaite; il n'y a que des compromis plus ou moins acceptables. Pour que ces compromis contribuent à la survie intergénérationnelle d'une langue, ils doivent comprendre inéluctablement un fort élément de« territorialité », c'est-à-dire de protection de la langue de la majorité locale contre tout concurrent. Le gouvernement local se doit alors de promouvoir la langue de la majorité, tout en permettant à la minorité linguistique d'obtenir des services essentiels dans sa propre langue. Les commissaires Pepin-Robarts avaient compris cette...

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