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150 PIERRE FOUCHER Cela concorde avec l'idée préconisée en droit international que la libert é de choisir est dénuée de sens en l'absence d'un devoir de l'État de prendre des mesures positives pour mettre en application des garanties linguistiques43 . Le pouvoir judiciaire fournit l'impulsion nécessaire à l'intervention législative. Point de gouvernance sans volonté de gouverner; or, sur le front linguistique, il semble que cette volonté a besoin de stimulants. En second lieu, alors qu'il est plausible que le dispositif constitutionnel ne change pas de sitôt, il se peut que d'autres provinces ressentent le besoin d'intervenir sur le plan législatif. En Atlantique, par exemple, l'île-du-Prince-Édouard a adopté une loi sur les services en français44 et la Nouvelle-Ecosse songe à faire de même, tandis que le Nouveau-Brunswick devra légiférer pour donner suite à l'arrêt Charlebois. Les décisions jurisprudentielles n'ont pas eu d'effet notoire de ralentissement sur la machine législative. Enfin, les procès en droit linguistique, bien qu'ils soient très charg és politiquement, présentent quand même certains avantages. Ils cernent une question à la fois, l'encadrent dans des règles rigides de procédure et de preuve, corrigent les inégalités politiques. Ils permettent d'instaurer une nouvelle forme de dialogue démocratique, alors que les principes et valeurs qui sous-tendent le Canada sont discutées non pas dans les instances parlementaires ou les officines gouvernementales mais au sein d'une enceinte où la jurisprudence et les règles l'emportent sur la passion et les invectives. Les procès linguistiques sont publics et généralement suivis par les médias. Les problèmes que l'on y discute reçoivent des solutions précises. Certes, l'efficacité du pouvoir judiciaire se bute à des limites. D'abord, ses interventions sont tributaires des droits qui sont reconnus par la loi. Sans un texte constitutionnel ou législatif, la légitimité de l'intervention judiciaire est fragile. Ensuite, rien ne garantit que la Cour sera plus réceptive aux arguments de la minorité qu'elle ne le serait aux arguments du gouvernement. On l'a bien vu lors de l'épisode de l'arrêt Société desAcadiens. Enfin, le litige et le jugement ne sont que des incidents dans une relation continue entre les représentants de la minorité et les gouvernements. Même quand le jugement favorise les droits de la minorité, des mesures doivent être mises en place pour le mettre en œuvre et la négociation se poursuit, mais le rapport de force est souvent modifié en faveur de la minorité. La Cour n'est pas soumise aux aléas de la vie politique au même degré que les gouvernements ; elle peut prendre le temps de réfléchir LE JUGE ET LA GOUVERNANCE LINGUISTIQUE 151 et d'aller au-delà des problèmes immédiats pour montrer des pistes à long terme. C'est ainsi que la Cour suprême du Canada a rappelé dans plusieurs arrêts et à plusieurs reprises que la question linguistique est une préoccupation de longue date au Canada, qu'elle fait partie des fondements mêmes du pays, qu'elle en a façonné l'histoire et qu'elle continue à en orienter l'évolution : La protection des minorités linguistiques est essentielle à notre pays. Le jugeDicksonsaisit l'esprit de la place des droits linguistiques dans la Constitution dans Société des Acadiens, précité, à la p. 564 : «La question de la dualité linguistique est une préoccupation de vieille date au Canada, un pays dans l'histoire duquel les langues française et anglaise sont solidement enracinées. » Comme l'énonce le juge La Forest dans R. c. Mercure, [1988] 1 R.C.S. 234, à la p. 269, les « droits concernant les langues française et anglaise [...] sont essentiels à la viabilité de la nation»45 . Le message sous-jacent à ces déclarations semble clair : on aurait tort d'oublier le passé du Canada, de négliger la dimension fondamentale de la dualité linguistique sous prétexte que la démographie ne justifie plus aucune intervention gouvernementale en ce domaine. La valeur des politiques d'un pays ne se mesure pas seulement de nombres . La démocratie implique beaucoup plus que la volonté de la majorité : Par rapport aux minorités, la démocratie présuppose davantage...

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