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352 Constructions identitaires et pratiques sociales prosperite materielle de la future republique, il s'attarde assez peu a 1'elaboration d'un programme economique. Moins ambitieux que celui du president equatorien en privilegiant, a 1'instar de ses contemporains, le maintien d'une societe de petits producteurs agricoles57 , il accepte toutefois la possibilite de creer de petites installations industrielles disseminees dans le monde rural lesquelles permettraient de repondre aux besoins locaux tout en etant source d'emploi58 . Le contraste est considerable entre le Garcia Moreno historique, qui adopte les premieres mesures de promotion de la production manufacturiere, favorise la consolidation d'une bourgeoisie d'affaires et presente la construction du premier tronfon de voie ferree comme 1'illustration de la modernisation du pays59 , et Tardivel, qui voit dans le progres, dont le chemin de fer est un des principaux symboles, une des dimensions les plus negatives de son siecle60 . Des positions aussi divergentes, a partir d'un discours qui se veut commun, s'expliquent dans une large mesure par les specificites de chacun des contextes socioculturels. Un phenomene qui n'est d'ailleurs pas propre auxrealites canadiennes et equatoriennes comme 1'illustre la variete des prises de position adoptees par des eveques ultramontains anglais, irlandais et americains surdes themes similaires61 . Fruits d'experiences historiques distinctes, il est normal que les points de reperes different quant a 1'interpretation de theses ultramontaines. II est neanmoins important de preciser que 1'image mythique de Garcia Moreno n'aurait pu s'imposer au Canada francais sans une vision commune du monde que partageaient le personnage historique et les milieux ultramontains. Ainsi, cette conception est-elle largement inspiree par 1'attrait que continue d'exercer 1'ancien regime. II est d'ailleurs interessant de constater que 1'analyse faite par Tardivel des evenements de 1837, presenters comme une faute nationale62 , ressemble fort a la critique faite par Garcia Moreno de I'independance63 . Catholicisme de combat, 1'ultramontanisme est pour chacun d'eux tant un moyen de defendre une image idealisee de 1'Eglise qu'un esprit de croisade en vue de transformer leur societe respective en imposant une serie de valeurs reactionnaires , sur le plan social et politique, qu'ils considerent universelles. En ce sens, 1'element qui distingue le plus Tardivel et Garcia Moreno est le role politique joue par chacun dans leur societe respective. Tandis que le premier , acteur d'un courant de plus en plus marginal, ne peut que diffuser une utopie chretienne qui n'a d'ailleurs qu'un impact limite sur les debats de son epoque, le second exerce le pouvoir. Dimension expliquant, dans une large mesure, certaines singularity's des positions de Garcia Moreno par rapport a ce qui pourrait etre qualifie d'orthodoxie ultramontaine. Sa volonte de controler le clerge releve autant de sa conception du role de 1'Eglise que de la necessite de consolider un appareil d'Etat encore largement embryonnaire. Un constat similaire doit etre fait a propos de ses positions modernisatrices qui sont autant Le caractere mythique du modele d'homme d'Etat chretien 353 le resultat de choix personnels que le besoin de repondre aux attentes des differentes factions de 1'elite locale64 . Bien qu'il fut a la tete d'un regime autoritaire, Garcia Moreno devait necessairement tenir compte des interets de cette elite s'il voulait se maintenir au pouvoir. C'est d'ailleurs 1'exercice du pouvoir qui a rendu 1'Equateur moreniste si attrayant au Canada francais. Toutefois, 1'utilisation politique du mythe comme illustration d'une alternativeultramontaine viable est evidemment circonscrite dans le temps. L'arrivee de Leon XIII, la consolidation d'un modus vivendi entre 1'Eglise et 1'Etat acceptablepour les deux parties et la marginalisation du courant ultramontain au sein de 1'Eglise canadienne rendent cette vision de moins en moins pertinente des la fin du xixe siecle. Relegue au rang de symbole de piete, le mythe moreniste est maintenu vivant jusqu'aux annees 1950 par une faction de plus en plus marginale du clerge, et ce, a travers la distributionde la biographic du pere Berthe dans les colleges classiques et la presentation de 1'adaptation theatrale du livre par le jesuite Delaporte. Le plus influent de ce groupe est certes 1'abbe Groulx, qui reprend 1'image forgee par Tardivel en presentant Garcia Moreno comme le « champion de la foi [...] capable de guider les peuples des deux hemispheres [...] en defenseur acharne et souvent vaincu des grandes causes qui interessent la Patrie et la...

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