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222 Constructions identitaires et pratiques sociales une attention particuliere a 1'Ontario francais, d'abord parce qu'il s'agit de la patrie d'adoption de notre ami Pierre Savard mais aussi parce qu'elle permet d'exposer les regies linguistiques qui sous-tendent 1'evolution des noms de lieux francais dans un environnement ou 1'anglais est devenu une langue dominante . Nous limiterons nos exemples aux attestations cartographiques et aux toponymes qui se sont, d'une maniere ou d'une autre, maintenus jusqu'a ce jour sur la carte de 1'Ontario. La strate de 1'Ancien regime Une des caracteristiquesdominantes de la toponymie de la partie occidentale de laNouvelle-France est 1'absence quasi totale de noms de lieux habites. C'est qu'a 1'epoque les efforts de colonisation etaient concentres de part et d'autre du Saint-Laurent entre Quebec et Montreal et que le territoire ontarien durant les xvne et xvme siecles servait essentiellement de voie de penetration vers 1'interieur du continent. La seule exception notable concerne le toponyme Le Detroit a plus de 1 200 km au sud-ouest de Quebec, designation qui s'appliquait a toute 1'aire environnante designant a la fois le fort et la mission fondee par Lamothe Cadillac en 1701. Les noms de cours d'eau — hydronymes dans le jargon des linguistes — sont beaucoup plus nombreux et refletent le caractere exploratoire et de transit des Pays d'en Haut. Les premiers hydronymes ontariens a etre portes sur les cartes d'epoque sont d'abord des noms de rivieres. Principales voies d'exploration , de traite des fourrures et de communication en general, les rivieres se voient attribuer des designations fort diverses. Pour la plupart, ce sont des noms descriptifs, intimement lies a 1'espace geographique qu'ils identifient, comme La Belle Riviere,La Grande Riviere,Riviere Creuse, Riviere Maligne, Riviere a la Pluie,Riviere aux Sables. Dans cette categoric, nous trouvons des renvois a la faune (Riviere aux Tourtes, Riviere aux Dindes, Riviere aux Canards} et a la flore (Riviere aux Cedres, Riviere aux Raisins.} A cote de ces designations semantiquement transparentes, il existe un deuxieme groupe de noms qui n'entretiennent pas de lien avec 1'espace qu'ils identifient. II s'agit de designations commemoratives ou dedicatoires ou nous retrouvons des noms de colonies deja etablies (Riviere de Montreal) ou de nations soit eurogenes, soit autochtones (Riviere des Francais, Riviere de la Petite Nation, Riviere des Monsonis}. Les noms des saults et rapides qui jalonnaient le cours des rivieres presentent des caracteristiques semblables: ce sont des designations descriptives (Le Long Sault, Sault de la Chaudiere} ou dedicatoires (Sault Sainte Marie) qui dominent. Meme observation pour les noms de lacs, relativement peu nombreux , ou Ton releve en plus des designations hagionymiques (Lac Sainte- Le toponyme comme marqueur identitaire en Amerique fransaise 223 Claire, Lac Saint-Joseph). Ce n'est que vers la fin du xvne siecle que commencent a se repandre les designations ayant trait au littoral : le nom des baies (Bale du Tonnerre) et de pointes (Pointe aux Pins, Pointe Pelee) viennent ainsi enrichir la nomenclature geographique. Une derniere remarque en ce qui concerne la toponymie de la partie occidentale de la Nouvelle-France a trait a la formation du lexique franco-canadien en general et plus particulierement a celui du vocabulaire geographique. L'etat actuel de nos recherches nous permet de croire que le champ semantique de deux mots franfais, soit rapide et portage, a etc modifie dans le contexte de 1'exploration et de 1'etablissement des voies de communication dans les Pays d'en Haul. Le FEW (Wartburg, 1962, p. 66-67) precise que 1'adjectif rapide devient nom commun des 1736 au sens de « cascades d'eau ». Or, la carte du lac Ontario de Brehant de Galinee (1670) donne deux occurrences du mot au pluriel : Rapides de 2 lieues et Grands rapides dans le cours de la Riviere des Outaouais entre Renfrew et Matawa, demontrant par la que la substantivation de 1'adjectif peut etre reculee d'au moins 66 ans en ce qui concerne les attestations cartographiques. On peut faire la meme remarque a propos du motportage qui dans le Furetiere (1690) n'a que le sens de « action de porter ». En fait, les recits de voyage nous apprennent qu'en Amerique le mot avait deja pris une extension semantique plus large, designant non seulement 1'action de porter mais aussi le lieu meme ou se fait cette action. La carte de...

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