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  • Willi Gautschi et la grève générale de 1918. Un historien et son œuvre en contexte by Séveric Yersin
  • Frédéric Deshusses
Séveric Yersin, Willi Gautschi et la grève générale de 1918. Un historien et son œuvre en contexte, Lausanne, Antipodes, « Histoire et sociétés contemporaines », 2023, 264 p. Préface de Malik Mazbouri.

Issu d’un mémoire de master dirigé par Malik Mazbouri et François Vallotton, l’ouvrage de Séveric Yersin est à la fois une biographie de l’historien suisse Willi [End Page 169] Gautschi (1920–2004) et, comme l’indique le sous-titre, une mise en contexte de son œuvre et en particulier de Der Landestreik 191822, ouvrage paru à l’occasion du cinquantenaire de la Grève générale, qui reste une référence sur cet événement majeur de l’histoire du mouvement ouvrier suisse. En retraçant les modalités de production et de réception des travaux de Gautschi, Yersin montre comment se met en place un consensus interprétatif autour de l’événement. Il apporte aussi un éclairage bienvenu sur l’historiographie suisse de la seconde moitié du xxe siècle.

Dans le premier chapitre, Yersin rappelle comment, rapidement après les faits, s’établit une « interprétation bourgeoise de la grève générale de 1918 » (p. 43). Selon cette interprétation, la grève aurait été un coup d’État manqué, tenté par un mouvement ouvrier zurichois guidé par des meneurs étrangers. L’intervention de l’armée pour mettre fin à la grève est évaluée comme une réponse proportionnée à une menace contre la démocratie. Cette théorie de la menace contre l’État sera instrumentalisée, durant l’entre-deux-guerres, pour retarder l’intégration politique du Parti socialiste suisse. L’existence d’une interprétation univoque « permet, relève justement Yersin, à tous les observateurs, historiens compris, de se contenter d’évoquer la Grève générale sans en analyser ni les origines, ni le déroulement » (p. 81).

Une fois établi ce contexte, Séveric Yersin livre la partie la plus originale de son travail. Autour de quatre chapitres alimentés par une consultation minutieuse des archives personnelles de Willi Gautschi, Yersin restitue le parcours de ce dernier, de sa thèse de doctorat à ses derniers écrits historiques. Gautschi est titulaire d’un diplôme d’enseignant et exerce dans le degré secondaire obligatoire à Baden, une petite ville industrielle du canton d’Argovie. Il enseigne l’histoire, mais également l’éducation physique. Dans l’après-guerre, Gautschi semble nourrir le projet de devenir officier de carrière et prend la présidence de la société des officiers de son canton. Sa volonté d’obtenir un doctorat, qui s’affirme en 1953, semble davantage liée au désir d’enseigner au lycée qu’à une ambition académique. Il dépose cependant un projet de thèse sur un objet inattendu : la Grève générale de 1918. La consultation des archives n’a pas permis à Yersin d’élucider ce choix surprenant au vu du parcours de l’historien argovien. Gautschi, sans avoir revêtu de charge élective, est, en effet, plutôt proche des cercles libéraux-démocrates. Ce choix ne relève donc pas d’une affinité avec le mouvement ouvrier (p. 90). L’historien argovien va faire ce à quoi tout le monde avait renoncé jusqu’alors : analyser les origines et le déroulement de la Grève générale.

Il aboutit alors à une « révision de l’interprétation dominante » (p. 111), qui donne plus de poids au contexte social dans lequel éclate la grève qu’aux menées révolutionnaires. Un événement détermine sans doute cette révision : l’accès aux Archives fédérales concernant la grève est refusé à Willi Gautschi, de sorte que ce dernier doit fonder son analyse sur les archives du mouvement ouvrier et les témoignages d’anciens membres du Comité d’Olten, organe dirigeant de la grève. La position sociale de Gautschi lui...

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