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  • L'évêque, suprême dispensateur de la cura animarum en droit canonique classique
  • Benoît Alix

Après avoir été érigé en un ordo particulier, au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, l'épiscopat forme un élément essentiel de l'architecture ecclésiastique médiévale.1 Ses membres, chargés de pourvoir aux fonctions de gouvernement, de sanctification et d'enseignement, signe que l'épiscopat relève de la catégorie des ministères de direction.2 À ce titre, la cura animarum forme un élément essentiel ressortissant à ces trois fonctions puisqu'elle implique à la fois l'exercice d'une autorité, l'administration des sacrements et, enfin, le rappel du contenu dogmatique de la foi professée. La fonction épiscopale, depuis le haut Moyen Âge, exige par conséquent de la part de son titulaire de porter une attention particulière aux comportements de ses subordonnés. L'évêque agit à leur égard comme un véritable surveillant et [End Page 81] censeur de leurs mœurs, d'après une tradition léguée par l'Ancien Testament.3À cet égard, le temps de la 'réforme grégorienne' prolonge, tout en la renforçant, la dimension pastorale de la fonction épiscopale dont l'essence réside dans l'officium episcopale.4 Mais ce renforcement du rôle des évêques s'accompagne, dans le même temps, d'une dépendance accrue à l'égard du Siège apostolique.5 Alors que son usage remonte aux temps les plus anciens, la définition de l'expression cura animarum n'est que très difficilement appréhendée par le droit canonique de l'époque classique.6 Ce n'est finalement qu'avec la lente et progressive émergence de la distinction entre le pouvoir d'ordre et le pouvoir de juridiction que les canonistes sont en mesure de préciser l'objet et la portée de l'expression.7 Le pape Innocent IV (1243-1254) propose une double acception de l'expression cura animarum. Au sens strict, elle désigne le pouvoir de lier et de délier, de sorte que, cette attribution relevant du for pénitentiel, seul celui qui est revêtu du sacrement de l'ordre, et est donc prêtre, peut l'exercer. Au sens large, la cura animarum [End Page 82] désigne le pouvoir d'exclure et de recevoir dans l'Église, de corriger et de punir. En ce sens, la cura renvoie aux pouvoirs d'excommunier, d'interdire, de visiter—entre autres—, tous regardant la correction des mœurs.8 Le recours à l'expression cura animarum pour désigner le pouvoir de lier et de délier est critiquée par Hostiensis qui estime qu'une telle analyse contrevient aussi bien au ius qu'à la ratio naturalis. Le fameux évêque d'Ostie entend clairement distinguer la potestas de la cura. La première relève de l' 'ordre' et correspond, stricto sensu, au pouvoir des clés dévolu à celui qui reçoit l'ordination sacerdotale, que l'évêque seul peut conférer. La cura en revanche relève de la 'juridiction' et doit par conséquent s'entendre de l'exercice d'un pouvoir de gouvernement. Hostiensis envisage cette distinction comme pouvant s'ordonner chronologiquement. En effet, dans un premier temps, chaque prélat, au moment de la confirmation de son 'élection' ou de son 'institution' dans une dignité ou un office donné, reçoit la cura. Celui qui reçoit le sacrement de l'ordre se voit ensuite conférer le pouvoir des clés.9

Les juristes médiévaux, et les canonistes en particulier, ont ainsi produit une vaste et complexe réflexion relative à la cura animarum et à ses conditions d'attribution. La question qui se pose [End Page 83] avec les plus grandes difficultés est celle de savoir si d'autres que l'évêque, et sur quels fondements, ont accès à cette faculté alors que de son exercice dépend le Salut des fidèles. Aussi, après avoir été érigé en ordonnateur en chef de la cura animarum, l'évêque est envisagé comme son...

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