In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Race par Sarah Mazouz
  • Aurélia Michel
Sarah Mazouz, Race, Paris, Anamosa, « Le mot est faible », 2020, 89 p.

C'est un petit objet noir gravé de blanc, qui vaut autant pour son contenu que pour son contexte, et dont le texte de Sarah Mazouz, clair et direct, articule parfaitement les enjeux. Race s'inscrit dans une collection d'ambition, lancée en 2019 par les éditions Anamosa, qui parie sur le mode des keywords de Raymond Williams17 pour, à partir d'un mot, proposer à la fois une réflexion, la diffusion de savoirs scientifiques et une clé d'émancipation. Septième opus après Révolution, Peuple, Histoire, Démocratie, Science et École, le livre de Sarah Mazouz est à la fois une contribution sociologique, une intervention dans le débat public et un événement éditorial qui participe d'une séquence historique en cours : il est probable en effet que, quelques années avant la mort de George Floyd en juin 2020, un tel titre aurait été reçu comme une provocation, et il est désormais évident, depuis la sortie du livre en septembre de cette même année et l'accueil immédiat qui lui a été fait, que nous ne pourrons pas nous passer du mot « race » pour la compréhension de nos sociétés.

C'est précisément sur ce point de bascule que s'ouvre le premier chapitre de ce court texte, à tel point qu'il a décidé de la date de publication du livre, retardée de quelques mois afin de s'inscrire dans les débats déterminants qui ont suivi la mobilisation transnationale après la mort de George Floyd pour dénoncer le racisme. Sarah Mazouz rappelle l'importance des répercussions de cette mobilisation en France, notamment dans les réactions très marquées dans plusieurs médias nationaux qui visaient à contester une possible articulation avec la situation états-unienne et à délégitimer, parfois avec grande violence, les mouvements dénonçant les bavures policières et plus largement le racisme dans la société française. Le fait que ce [End Page 176] positionnement de réaction ait été largement endossé par le gouvernement, à travers ses ministres de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer ou de l'Enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal, n'est certainement pas un aspect à minimiser, puisqu'il a conduit, comme le rappelle l'auteure, à une inédite et confuse mise en question de l'autonomie de la recherche et de l'enseignement à l'université.

L'enjeu, donc, de l'utilisation du mot « race » et de la clarification de son contenu, dépasse largement le débat intellectuel qui oppose divers courants des sciences sociales, débat dont Sarah Mazouz donne les coordonnées en développant son propre positionnement. Un premier point, préalable à la discussion, aborde la nécessité du mot pour désigner des rapports sociaux actuels, dès lors que les théories raciales sont en tant que telles dépassées, invalides et dangereuses, comme si le mot lui-même pouvait performer le racisme que l'on entend déconstruire. Ces théories, que l'auteure résume par la croyance en une « hiérarchie entre groupes humains qui pourrait être fondée en nature » (p. 24) et qui s'appuient sur l'existence présumée « des races » (p. 18), ne suffisent pourtant pas à désigner la domination raciste, ou plutôt les rapports sociaux qui engagent une « assignation raciale » (p. 22), assignation qui n'a pas besoin de la théorie raciale pour s'exercer. Reprenant deux textes fondateurs de la sociologie du racisme, celui de Colette Guillaumin, « Je sais bien mais quand même », et celui de Philomena Essed sur le racisme du quotidien18, Sarah Mazouz nous invite à saisir la réalité de la race dans les pratiques sociales, parfois anodines, parfois violentes, qui mettent en jeu « la forme sédimentée, ordinaire et banalisée » (p. 22) de l'assignation raciale, et que seul le mot « race », lui-même sédimenté par une longue histoire européenne coloniale...

pdf

Share