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Reviewed by:
  • Les sciences du désir. La sexualité féminine, de la psychanalyse aux neurosciences dir. by Delphine Gardey et Marilène Vuille
  • Anne-Marie Sohn
Delphine Gardey et Marilène Vuille (dir.), Les sciences du désir. La sexualité féminine, de la psychanalyse aux neurosciences, Lormont, Le Bord de l'eau, « Objets d'histoire », 2018, 329 p.

Comme le souligne malicieusement l'introduction, « souvent science varie », surtout en matière de sexualité féminine. La première partie de l'ouvrage nous invite ainsi à un parcours scientifique qui va de la vaginoplastie au xixe siècle à la naissance et au développement de la sexologie à Lausanne à partir de 1950. Sur fond de professionnalisation, Cynthia Kraus et Christel Gumy montrent comment un savoir d'abord fondé sur le « bon désir des femmes », ciment du couple, vise ensuite à dissocier désir d'enfant et désir sexuel, afin de promouvoir la contraception, puis évacue, à partir des années 1980, les problèmes psycho-sociaux pour traiter les troubles du désir sexuel par la seule sexologie et non plus par la médecine ou le conseil conjugal. Le tempo scientifique s'accélère encore lorsque la « bonne santé sexuelle » s'impose comme obligation morale et sociale. Marilène Vuille et Alain Giami montrent magistralement comment la biomédicalisation est devenue le nouvel horizon de la sexualité au xxie siècle. Le devoir d'orgasme s'étant imposé comme une évidence, la recherche s'intéresse alors aux dysfonctionnements du désir sexuel. En 1998, la mise au point du Viagra et la description scientifique du clitoris sont le point de départ d'une nouvelle branche de la médecine, la médecine sexuelle. Celle-ci se subdivise elle-même en spécialités, telle l'oncosexologie, née en 2006, puisqu'elle se fixe pour tâche de préserver la fonction sexuelle pour tous, y compris pour les personnes malades. L'industrie pharmaceutique s'engouffre dans la brèche, à la recherche de la bonne « dyade maladie-médicament », qui peut aller jusqu'à la « promotion de maladies » inventées. La définition scientifique d'un trouble sexuel ouvre, en effet, un marché prometteur. C'est un processus complexe qui résulte d'une « coproduction » des chercheurs, de l'industrie, des lobbys, mais également des associations de patients. Le traitement des « troubles du désir féminin hypoactif » est de ce point de vue un cas d'école. En 2015, la Food and Drug Administration (FDA), l'autorité américaine du médicament, autorise l'Addyi (flibansérine), qui se propose d'y remédier. Ce produit n'a pas rencontré le succès commercial espéré, son efficacité étant limitée au regard des effets secondaires. Mais l'analyse des controverses qu'il a suscitées dans le cadre de la Conférence ouverte organisée par la FDA, est révélatrice des nouveaux enjeux de la médecine sexuelle. Si tous les protagonistes reconnaissent qu'une activité sexuelle harmonieuse est bénéfique pour les femmes, tous ne s'accordent pas sur l'absence de désir. Pour les uns, cette dernière résulte de troubles biologiques et neurologiques que peut régler une réponse médicamenteuse. En revanche, pour la coalition New View, créée par des professionnelles de la sphère médicale, elle est multifactorielle. À la jonction de l'économique, du social et du culturel, la fatigue, la maladie, le poids des obligations familiales et professionnelles, des relations difficiles avec le conjoint jouent un rôle décisif. À front renversé, New View a donc mis en valeur des arguments principalement scientifiques pour s'opposer à la commercialisation de l'Addyi : trouble inexistant au regard du DSM [End Page 204] (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), risques démesurés pour un médicament prescrit à des femmes en bonne santé, dénonciation des campagnes médiatiques en faveur de la légalisation. Inversement, c'est l'industrie qui défend l'égalité des sexes et le droit au plaisir pour les femmes et prétend se mettre à leur service pour soulager leurs souffrances. La neurosexualité, enfin, repr...

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