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  • Îles intimes. Expression de l'iléité dans l'océan Indien francophone by Magali Compan
  • Emmanuel Bruno Jean-François
Compan, Magali. Îles intimes. Expression de l'iléité dans l'océan Indien francophone. Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2020. ISBN 9782757431740. 204 p.

Publié en 2020, l'ouvrage Îles intimes de Magali Compan vient se rajouter aux efforts critiques récents qui abordent sous une perspective comparatiste les [End Page 239] littératures et cultures visuelles des îles et archipels du sud-ouest de l'Océan Indien: Madagascar, les îles Mascareignes et les Comores. En partant d'une réflexion sur les mythes et paradoxes qui sous-tendent la condition insulaire, l'auteure rappelle d'emblée que "l'ile [sic] n'est pas seulement un espace géographique tangible. C'est avant tout un concept et un trope littéraire et discursif occidental ayant nourri et favorisé des délinéations de différence et de construction de soi" (13). En postulant toutefois que les écrivains et artistes plasticiens de la région mettent en œuvre des perspectives décoloniales qui interrogent les prismes déformants de l'imaginaire colonial, Compan insiste sur la manière dont ils repensent le lien à l'espace insulaire tout en se réappropriant le territoire. D'ailleurs, c'est en partant de ce postulat qu'elle précise, dès son introduction, l'apport de la nissonologie et des Island studies comme champs d'étude consacrés à la représentation des espaces insulaires, avant de reprendre à son compte la distinction critique d'abord proposée par Joël Bonnemaison entre insularité et îléité: "l'insularité renvoie à un objet géographique, aux attributs physiques et aux critères socio-économiques qui sont le produit de son isolement, l'îléité, quant à elle, varie selon les cultures, les individus, l'espace géographique dans lequel elle se situe" (18).

C'est, de fait, cette distinction conceptuelle qui sert de fil conducteur à l'ensemble de l'ouvrage puisque, de chapitre en chapitre, Compan analyse, avec finesse et élégance, les diverses expressions de l'îléité qu'articulent les écrivain.e.s et artistes plasticiens de la région, en réponse notamment aux nombreux préjugés associés à l'insularité indiaocéanique depuis des siècles. Ainsi, ce que cet ouvrage remarquable propose dans son ensemble, c'est de "repenser l'île comme composante essentielle de la quête identitaire dans la zone de l'océan Indien francophone et […] d'offrir sur ces espaces indéniablement marqués par la colonisation française et les discours impérialistes européens, un changement de paradigme alliant géographie et histoire, le sensible et l'intelligible en tant que produits d'un vécu insulaire" (19). L'importance critique que Compan consacre à ce "vécu" l'amène ainsi à examiner, dans les cinq chapitres de l'ouvrage, la manière dont les créateur.trice.s de la région conjuguent rapport au lieu, quête identitaire et représentation postcoloniale. C'est d'ailleurs ce souci de la représentation de soi qui justifie l'intérêt de l'ouvrage pour la notion d'intimité—une notion qui met en lumière la perspective somme toute personnelle des créateur.trice.s et leur "appréhension de l'espace insulaire à travers l'expérience unique, sensorielle, viscérale de l'insularité" (27).

Au premier chapitre, intitulé "L'Ici et l'Ailleurs—le Même et l'Autre," Compan prend pour objet d'étude les photosculptures de Thierry Fontaine, artiste originaire de l'île de La Réunion, dont l'œuvre "éminemment politique […] bascule constamment dans une dimension spirituelle" (34). En les analysant comme de véritables textes, au sens derridien du terme, Compan souligne tout particulièrement le potentiel poétique de ces photosculptures qui cristallisent "les ambiguïtés de l'espace insulaire" (37). Entre autres, elle postule que la représentation qu'elles offrent du sujet et de l'individu en relation avec les éléments [End Page 240] de la nature, participe d'une géopoétique qui métaphorise à la...

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