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Reviewed by:
  • Abdellah Taïa's Queer Migrations. Non-places, Affect, and Temporalities by Denis M. Provencher, et Siham Bouamer
  • Maxime Foerster
Provencher, Denis M., et Siham Bouamer, coordonnateurs. Abdellah Taïa's Queer Migrations. Non-places, Affect, and Temporalities. Lanham, Lexington Books, 2021. ISBN 9781793644862. 302 p.

L'œuvre d'Abdellah Taïa nous accompagne depuis vingt ans déjà. Deux décennies au cours desquelles les formats et les genres ont varié (récits, autofictions, romans, films, lettres et entretiens), les traductions et les prix littéraires se sont enchaînés; puis le Printemps arabe est passé par là, suivi du grand désenchantement. Si le moment est à présent au premier bilan, celui de la mi-parcours, c'est dans le recueil d'essais coordonné par Denis M. Provencher et Siham Bouamer que l'on trouve l'une des meilleures mises au point sur l'envergure de l'œuvre, ses thèmes, ses résonances, ses divagations, ainsi que sur sa dynamique et ses possibles métamorphoses dans les années 2020.

À la fin de L'Armée du salut—roman le plus étudié de la première période de Taïa et adapté au cinéma pour son premier long-métrage—le narrateur, ébranlé par la déception et l'incertitude de ses premiers jours à Genève, espère néanmoins compter sur des âmes bienveillantes pour lever sa propre armée et trouver la force de mener une existence sous le signe de l'amour et de la liberté (voir l'essai de Thomas Muzart). Cette armée se retrouve en partie parmi les nombreux intellectuels et universitaires qui ont médité sur l'œuvre de Taïa—une œuvre constamment à la recherche d'ellemême—et qui nous livrent à travers des perspectives originales et complémentaires quelques pistes pour sonder la profondeur d'une pensée habitée par la transgression et la ligne de fuite.

On ressort revigoré de ce recueil d'essais. D'une part, parce qu'il permet au lecteur (fidèle ou pas) de mieux comprendre les enjeux de l'évolution des livres de Taïa d'une première vers une seconde période. D'autre part, parce qu'il anticipe le potentiel d'une troisième phase qui pourrait marquer le passage vers une autre langue (voir l'invitation d'Antoine Idier à écrire en arabe), un autre territoire (paradoxalement, James Baldwin l'exilé fait pointer les États-Unis) et d'autres interactions (une approche de plus en plus intersectionnelle pour une galerie de personnages élargie). [End Page 202]

La première partie regroupe des essais consacrés aux mouvements chez Taïa: fuir, revenir, se perdre et, surtout, brouiller les pistes et changer de (re)père. Ni cycliques, ni linéaires, les déplacements géographiques dans les textes illustrent l'errance d'une identité fragmentaire et sismique, admirable d'audace et de résilience. Les essais de Ralph Heyndels, Olivier Le Blond et Daniel N. Maroun rappellent que la première force de l'œuvre de Taïa, c'est la perpétuation et la déclinaison du vertige au fil des textes.

La seconde partie se concentre sur une autre géographie, celle de l'affect, pour analyser la palette d'émotions qui colorent les personnages (plus ou moins autobiographiques) de Taïa. L'essai de Bouamer, en particulier, analyse avec finesse, à travers la récurrence d'une chanson d'amour, la différence et l'originalité du film L'Armée du salut, ici comparé au livre. Ryan K. Schroth consacre, pour sa part, une réflexion sur le traumatisme fécond de la hchouma (cette honte si spécifique au contexte arabo-musulman) et sur l'importance du genre épistolaire, tandis que Jean-Pierre Boulé, par ailleurs auteur d'une première monographie consacrée à Taïa (Abdellah Taïa, la mélancolie et le cri), éclaire d'un jour nouveau la dialectique du deuil et de la réconciliation au cœur de Celui qui est digne d'être aimé. Le premier article de la troisième partie offre, quant à lui, une brillante analyse de la mélancolie chez...

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