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Reviewed by:
  • Powering Empire. How Coal Made the Middle East and Sparked Global Carbonization by On Barak
  • Charles-François Mathis
On Barak, Powering Empire. How Coal Made the Middle East and Sparked Global Carbonization, Oakland, University of California Press, 2020, 321 p.

L’histoire de l’énergie, encouragée par la crise climatique que nous traversons, a suscité depuis une vingtaine d’années des travaux d’une grande originalité, relisant la « révolution industrielle » à l’aune des transitions énergétiques et des hasards géologiques donnant accès aux ressources fossiles5, critiquant l’idée de la transition au sens d’une substitution pure et simple d’une énergie à une autre6, mettant en avant le rôle des autres sources énergétiques – eau, animaux – dans les transformations industrielles du premier xixe siècle ou rappelant la place des énergies alternatives à l’ère de la puissance fossile (F. Jarrige et A. Vrignon)7. L’ouvrage d’On Barak se situe dans cette prestigieuse lignée (dont on peut regretter qu’il ignore la branche française…), en proposant une étude ambitieuse, d’une grande originalité, sur la manière dont le charbon britannique a façonné le Moyen-Orient au cours d’un long xixe siècle, à l’occasion de ce qu’il appelle, d’un beau néologisme, une « coalonisa‑ tion » (je rappelle qu’en anglais, charbon se dit coal).

La grande force de ce travail est certes de s’attacher aux liens, jusqu’alors très peu pris en compte, entre l’Empire britannique et le charbon de la métropole, mais aussi de considérer d’emblée ce dernier dans sa matérialité, à l’image des pistes proposées par Frank Trentmann. Loin d’être simplement une « énergie » abstraite, le charbon [End Page 161] est en effet une substance concrète dont le maniement requiert des hommes, des infrastructures, des modes de pensée aussi, et c’est tout cela qu’On Barak donne à voir au fil des six chapitres qui organisent son ouvrage. Ce faisant, il met curieusement en avant ce qu’il s’efforce de nier, à savoir l’existence de régimes énergétiques (nous dirions plutôt systèmes énergétiques). Il rejette en effet d’emblée cette notion sous prétexte qu’elle cloisonnerait par trop les temporalités et les mondes, suggérant le passage radical d’une énergie à une autre. Or, comme il le montre justement, le charbon, au lieu de provoquer une rupture avec les puissances (naturelles, animales, humaines) qui ont précédé son avènement, tend plutôt à intensifier leur usage ; il n’en reste pas moins une force dominante de la période étudiée, et c’est la manière dont il façonne une partie de l’Empire britannique qui fait tout l’intérêt de cet ouvrage.

En Égypte, dans la péninsule arabique, dans l’Empire ottoman, le charbon est convoyé par des animaux et sur des canaux, tout autant que par le train, que ceuxci complètent plutôt qu’ils ne le concurrencent ; il est aussi massivement utilisé pour installer des usines de désalinisation afin d’alimenter en eau potable les dépôts de charbon maritimes (Aden ou Port-Saïd) nécessaires à la flotte britannique de steamers (lesquels accueillaient aussi à leur bord des installations dessalant l’eau pour pouvoir faire fonctionner la machine à vapeur). Bien entendu, ces installations provoquaient des transformations sociales, territoriales, économiques et politiques de première importance (chap. 1). De la même manière, il fallait non seulement abreuver les habitants de ces territoires et les passagers des steamers (et les machines qui les transportaient), mais aussi les nourrir : l’approvisionnement en viande, salée, fraîche puis congelée, grâce là encore à des appareils mus par la vapeur, est un enjeu politique et militaire de premier importance, et contribue à des changements profonds de la région, vers une consommation plus importante de viande de certaines populations locales, des bouleversements économiques, des glissements politiques et sociaux (chap. 2).

L’établissement d’un secteur énergétique global est attesté encore par l’étude de groupes de...

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