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  • Une victoire impossible ? L’économie allemande pendant la Première Guerre mondiale by Marcel Boldorf et Hervé Joly
  • Stanislas Jeannesson
Marcel Boldorf et Hervé Joly (dir.), Une victoire impossible ? L’économie allemande pendant la Première Guerre mondiale, Villeneuved’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, « Histoire et civilisations », 2021, 240 p.

Une victoire impossible ? L’économie allemande pendant la Première Guerre mondiale adopte une démarche originale et instructive : faire suivre onze contributions portant sur un aspect spécifique de l’économie allemande durant la Première Guerre mondiale, œuvres pour la plupart d’historiennes et historiens allemands, de commentaires plus brefs rédigés par des spécialistes français, qui amènent des éléments de comparaison entre les deux belligérants. On sait combien le centenaire de la Grande Guerre a suscité, tout particulièrement en France, de programmes et de manifestations scientifiques, qui pour beaucoup ont contribué à enrichir la compréhension d’un conflit dont l’extrême complexité semble inépuisable. Dans leur introduction, Marcel Boldorf et Hervé Joly rappellent ainsi que la dimension économique de la Première Guerre mondiale, y compris dans ses aspects financiers, avait jusqu’alors été étudiée dans la perspective de la guerre totale, des mobilisations des sociétés et de la production industrielle de masse. Les études plus précises, tant à l’échelle locale ou régionale qu’à celle d’une production spécifique, étaient plus rares, notamment dans le cas de l’économie allemande. C’est cette lacune que cet ouvrage, fruit du Programme de formation-recherche « Politiques économiques et vie des entreprises pendant la Première Guerre mondiale », entend en partie combler. Il y parvient largement, en alternant les articles de synthèse – sur l’intervention de l’État dans l’économie allemande, les objectifs stratégiques et annexionnistes de la sidérurgie, le marché du travail industriel –, les études de cas – l’industrie houillère, le cuivre, la construction automobile et aéronautique, la chimie, l’agriculture – et la prise en compte de questions plus transversales – l’évolution du prix du pain, les objectifs économiques des plans de paix allemands en 1918. Les auteurs des contributions principales appuient tous leur argumentation sur des sources primaires, souvent originales, précises et détaillées, et sur une bonne maîtrise de l’historiographie allemande et anglo-saxonne, un peu moins de l’historiographie française – les travaux on ne peut plus classiques de Jacques Bariéty et Georges-Henri Soutou sont par exemple étonnamment peu cités.

Adopter un point de vue comparatif, en partant du cas de l’Allemagne pour le mettre en regard de celui de la France, permet, comme toujours, de mettre en avant les similitudes et les différences, donc de mieux faire ressortir les spécificités de chaque pays. Le premier point commun, sur lequel on n’insistera jamais assez, tant il conditionne la suite des événements, réside dans la conviction, partagée en août 1914 par tous les belligérants, que la guerre sera courte, quelques mois au plus, et que la décision reviendra à l’offensive. La question des ressources économiques est dès lors considérée comme secondaire, chacun s’imaginant pouvoir tenir sur ses réserves. Les ouvriers sont mobilisés, les campagnes se vident, la production s’effondre. Ce n’est que lorsque le front se stabilise, à la fin de 1914, qu’on comprend [End Page 143] que la guerre durera plus longtemps que prévu et que, surtout, elle prend des formes nouvelles, extrêmement coûteuses en matériel et exigeantes en termes de logistique. Les deux pays doivent s’adapter. Si les problèmes sont en grande partie identiques, les situations et les réponses apportées diffèrent en revanche sensiblement. Ainsi, la contribution de Marcel Boldorf et le commentaire d’Hervé Joly, qui traitent de l’intervention de l’État et de l’économie dirigée, insistent bien sur les parallèles – un dirigisme qui va s’accentuant mais qui ne remet pas en cause les lois du marché, le rôle joué en Allemagne par Walther Rathenau et en France par Albert...

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