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  • De la rente immobilière à la finance. La société de la rue Impériale (Lyon, 1854–2004) by Loïc Bonneval et François Robert
  • Patrice Baubeau
Loïc Bonneval et François Robert, De la rente immobilière à la finance. La société de la rue Impériale (Lyon, 1854–2004), Lyon, ENS Éditions, « Sociétés, Espaces, Temps », 2019, 428 p.

L’histoire économique de la ville, de sa construction, de sa gestion, de son économie, reste peu explorée par l’historiographie française, comme le regrettait Jean-Luc Pinol en 20131. Fondé sur un siècle et demi d’archives de la Société de la rue Impériale, société immobilière créée en 1854 pour réaliser au cœur de la presqu’île lyonnaise la percée « haussmannienne » qui demeure encore, aujourd’hui, l’axe urbain le plus prestigieux de la métropole, cet ouvrage contribue à combler ce manque. Loïc Bonneval et François Robert poursuivent ainsi un travail entrepris en commun depuis une dizaine d’années2 sur l’histoire de l’immobilier, centré sur le cas lyonnais, combinant une approche par des cas, tirés des archives, et une synthèse fondée sur l’emploi des méthodes quantitatives, informée par la sociologie, la géographie urbaine, l’économie et la gestion. Le sujet est essentiel, alors que le foncier et l’immobilier constituent durablement le cœur de la majorité des patrimoines bourgeois, le signe le plus manifeste de l’assise d’une fortune, tandis que Thomas Piketty a bien mis en évidence le lien entre l’émergence au xxe siècle d’une vaste classe moyenne et la diffusion de la propriété immobilière3.

Comme dans leur monographie précédente, fondée sur l’exploitation de plus d’un siècle d’archives d’une « régie », c’est-à-dire d’une société de gestion immobilière, les auteurs exploitent ici avec bonheur la permanence de ce qui forme le cœur du patrimoine de la Société de la rue Impériale (SRI) : un ensemble d’immeubles de rapport situés rue Impériale, devenue en 1879 rue de la République. Cette permanence permet d’étudier la construction et l’aménagement de la voie nouvelle, l’évolution des occupants, particuliers, entreprises et commerçants, et d’en mesurer la stratégie de gestion autant que la sociologie de ses principaux actionnaires. Mais un patrimoine ne se conçoit pas sans les revenus qui permettent de l’entretenir et de le faire fructifier. Ce rapport structurel entre patrimoine et revenu n’est toutefois ni fixe, ni stable : il dépend de nombreuses conditions économiques, légales et sociales. La longue durée ici choisie permet de comprendre le caractère à la fois négocié et contraint de cette relation entre la sécurité d’un patrimoine, le revenu qu’il procure [End Page 140] et les coûts qu’il impose. Ainsi, les auteurs mettent en évidence l’histoire en trois temps d’un groupe social qui se délite progressivement et d’un mode de gestion « rentier » bousculé par les crises et les guerres. L’ouvrage, soigneusement composé, est complété par de riches annexes, dont une synthèse annuelle des comptes de la SRI, et enrichi par de nombreux tableaux, graphiques et illustrations (on notera à ce propos que la « photo 9 » semble plus dater de la fin des années 1920 que de 1910, comme l’indique la légende).

En schématisant un peu le propos plus nuancé des auteurs, un petit groupe de bourgeois catholiques et conservateurs lyonnais constitue une entreprise d’aménagement immobilier qui, au lieu de réaliser une opération spéculative – achat d’immeubles vétustes, percée d’une avenue moderne, construction d’immeubles de qualité, revente avec plus-value – décide rapidement de conserver ces immeubles pour leur revenu locatif. Cette décision repose sur trois choix stratégiques de longue durée. D’abord, un contrôle étroit, mais jamais total, du capital émis, contrôle qui atteint son apogée...

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