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  • Terre et propriété à l'est de l'Europe depuis 1990. Faisceau de droits, relations de pouvoir by Marie-Claude Maurel
  • Jean-Charles Szurek
Marie-Claude Maurel, Terre et propriété à l'est de l'Europe depuis 1990. Faisceau de droits, relations de pouvoir, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2021, 244 p.

Les sociétés d'Europe centrale et orientale ont connu plusieurs ruptures fondamentales au XXe siècle : recouvrement des indépendances nationales à l'issue de la Première Guerre mondiale après des décennies de sujétion, transformations radicales des structures sociales et économiques provoquées par le second conflit mondial (notamment à la suite de la disparition de la grande propriété latifundiaire et de la petite bourgeoisie juive) et par la soviétisation des pays tombés sous la tutelle de l'Union soviétique.

Les sociétés rurales sont incluses dans ces mouvements. Durant l'entre-deuxguerres, les partis agrariens, exprimant l'ascension politique de la paysannerie, formaient la principale force politique de cette aire géographique. L'arrivée au pouvoir des partis communistes à l'issue de la guerre 1939-1945 n'a pas été complètement perçue de façon négative par les paysans, car les autorités ont promulgué une vaste réforme agraire qui intégrait leur aspiration à la propriété foncière. Mais ce rêve [End Page 216] fut brisé en 1948, quand la collectivisation des terres et des moyens de production devint le premier objectif de la politique agricole. Il en fut ainsi jusqu'à la fin du régime communiste. À partir de 1989, c'est une nouvelle ère qui commence, faite de retours en arrière (reprivatisations) et d'options délibérément proeuropéennes. Les sociétés centre-est européennes ont été ainsi particulièrement bousculées depuis un siècle, passant d'un régime à l'autre. Cette dimension est centrale dans la démarche de Marie-Claude Maurel, qui écrit à propos de son travail : « Penser le changement de système et son impact sur les structures agraires dans l'historicité des trajectoires, tel est le fil directeur du projet de recherche » (p. 40). L'auteure, qui analyse depuis longtemps « la question agraire » à l'est de l'Europe – ce dont témoignent ses nombreux ouvrages –, s'est attachée à nouer plusieurs approches : l'une qui intègre d'abord l'histoire tragique des sociétés agraires, une autre qui en cerne les dimensions sociologiques, une troisième qui réfléchit aux modernisations des agricultures.

Après 1989, la sortie du système collectiviste conduite au moyen, notamment, de la transformation du régime de propriété, a été la grande affaire des nouvelles autorités, sans qu'un modèle homogène s'impose. La conversion des structures collectivistes a fait place à une diversité d'options. Pour simplifier : d'un côté, si les politiques de privatisation ou de reprivatisation ont provoqué une structuration de la propriété foncière caractérisée par un très grand morcellement, ce qui a perpétué le « mal » agraire caractéristique de cette aire, d'un autre côté les grandes exploitations ont su se maintenir en se métamorphosant. La question de la propriété s'est d'emblée posée. Qui étaient, s'interroge l'auteure, les propriétaires légitimes ? Les anciens propriétaires expropriés de leurs grands domaines ? Les paysans, victimes de la collectivisation (alors qu'ils avaient reçu des terres dans le cadre des réformes agraires) ? Leurs enfants partis à la ville ? Les salariés des grandes exploitations ? Au bout du compte, deux catégories d'acteurs ont pris le dessus : les petits propriétaires et les élites agricoles des grandes exploitations reconverties. En effet, les cadres de ces grandes entreprises ex-socialistes (le groupe des « spécialistes ») sont parvenus, un peu partout, y compris dans la Russie d'Eltsine, à en devenir propriétaires, souvent avec de nouveaux statuts, en rachetant les parts des autres catégories de personnels (ouvriers, cadres intermédiaires, employés d'administration) qui n'étaient pas en mesure de suivre les...

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