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Reviewed by:
  • Insurrections paysannes. De la terre à la rue. Usages de la violence au XXe siècle by Édouard Lynch
  • Jean-Philippe Martin
Édouard Lynch, Insurrections paysannes. De la terre à la rue. Usages de la violence au XXe siècle, Paris, Vendémiaire, « Chroniques », 2019, 444 p.

Le livre d'Édouard Lynch est centré sur les manifestations paysannes en France de la fin du XIXe à la fin du XXe siècle. Alors que les études rurales et sur le monde paysan sont passées de mode, il offre un regard neuf sur les manifestations paysannes et ce pour plusieurs raisons. En effet, Édouard Lynch étudie celles-ci dans l'ensemble des régions françaises, repérant le commun et le singulier, étudiant les circulations des répertoires d'action et des discours qui les accompagnent. Par ailleurs, il propose une « vue d'ensemble » (p. 13) et revient sur plusieurs dizaines d'années pendant lesquelles les combats paysans furent nombreux, recherchant l'ancien et le nouveau dans les pratiques manifestantes. Enfin, et c'est un des fils qui nous semblent des plus féconds, il insère les manifestations paysannes dans l'ensemble des défilés de rue et montre que les paysans ont parfois tracé des pistes reprises ensuite par les contestataires urbains. Les paysans ne sont pas forcément en retard et ne s'inspirent pas forcément de modèles initiés par d'autres. Pour mener à bien son étude, Édouard Lynch s'appuie sur la presse nationale et régionale, parfois sur les journaux télévisés, mais aussi sur « les enquêtes initiées par les parquets » transmises « au ministère de la Justice, afin de décider d'éventuelles poursuites » (p. 11).

Les années 1870-1914 sont, pour lui, le théâtre de deux évolutions décisives qui concernent le monde paysan, mais aussi l'ensemble de la société. La fin du XIXe siècle est marquée par ce que l'auteur appelle la « fin des "fureurs paysannes" » (p. 21). La résistance au coup d'État du 2 décembre 1851, « dernier grand soulèvement rural du XIXe siècle, ouvre une longue période beaucoup plus apaisée » et marque le basculement des mobilisations « vers le politique et le national » (p. 24-25), qui [End Page 214] s'opère à partir de la fin du XIXe siècle. Les événements de 1907, dans le Midi, ont une importance considérable. L'intérêt des analyses proposées par Édouard Lynch est double : il sort ce mouvement de son cadre strictement régional et l'insère dans le cadre national. Par ailleurs, il dé-corporatise ces manifestations, affirmant que les vignerons du Midi ont, de fait, inventé « la manifestation moderne » (p. 81), modèle qu'ils ont, avec d'autres, transformé tout au long du siècle. Les vignerons n'opposent pas villes et campagnes, ils s'approprient l'espace urbain (gares, etc.), défilent le dimanche et essaient d'utiliser les médias. Ils mettent au point un « rituel manifestant » avec réunions publiques, prises de parole, défilés, pancartes, délégations, consignes des organisateurs… Ces défilés sont, pendant un temps, pacifiques, puis prennent un tour plus violent après que les vignerons ont appelé à la grève de l'impôt et à la démission des municipalités et que les autorités ont arrêté certains dirigeants du mouvement. Cependant, les mesures prises par le gouvernement et la création d'une organisation vigneronne (la CGVM, Confédération générale des vignerons du Midi) font que, pour l'auteur, « le modèle protestataire languedocien, urbain et unitaire » n'est pas un échec (p. 108).

Les années 1920-1940 sont le théâtre de nombreuses manifestations paysannes dans les rues des villes mais aussi d'actions directes, parfois illégales, dans les campagnes. Elles sont marquées par l'implication active de divers courants politiques dans ces protestations. À droite, Fleurant-Agricola crée le Parti agraire et paysan français et Dorgères est à l'initiative des Chemises...

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