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  • Relire l'altitude. La terre et ses usages. Suisse et espaces avoisinants, XIIe-XXIe siècles dirs. by Luigi Lorenzetti, Yann Decorzant and Anne-Lise Head-König
  • Julien Caranton
Luigi Lorenzetti, Yann Decorzant et Anne-Lise Head-König (dir.), Relire l'altitude. La terre et ses usages. Suisse et espaces avoisinants, XIIe-XXIe siècles, Neuchâtel, Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, « Histoire », 2019, 338 p.

Les territoires de montagnes ont-ils leurs spécificités en matière d'usage des terres et de gestion des ressources naturelles ? Voilà l'épineux problème que tentent d'éclairer les contributions de cet ouvrage collectif.

Ce livre est le fruit d'un colloque organisé par la Société suisse d'histoire rurale, qui s'est tenu au Châble en octobre 20161. Il est dirigé par trois spécialistes d'histoire économique et sociale des territoires alpins. L'ouvrage comprend onze contributions en langue allemande et française. Il se termine par une très belle postface de Gérard Béaur, historien des sociétés rurales, qui réfute l'existence d'un modèle exclusivement montagnard d'usages des terres et de gestion des ressources naturelles. Nous ne ferons pas ici une présentation détaillée de chaque contribution. Nous nous attacherons à mettre en lumière ce qu'apporte cet ouvrage à l'histoire des sociétés de montagne et à leurs pratiques.

Les contributions de cet ouvrage s'inscrivent dans une historiographie des sociétés de montagne et des Alpes qui s'est profondément renouvelée depuis la fin des années 1980. D'une part, les travaux sur les mobilités des populations de montagne ont mis en évidence le dynamisme démographique, économique et social de ces sociétés, bien loin d'un prétendu archaïsme et immobilisme véhiculé par une partie de la littérature aux XVIIIe et XIXe siècles2. D'autre part, la fondation de l'Association internationale pour l'histoire des Alpes, en 1995, a favorisé la conduite et la publication de recherches portant sur l'arc alpin. Les travaux de synthèse de Jon Mathieu, entre autres, ont balayé la présupposée unité de l'espace alpin. Celui-ci a mis en évidence l'importante diversité des systèmes culturels et socio-économiques inscrits dans ces territoires3. S'appuyant sur ce socle historiographique, les différentes contributions de ce livre proposent une histoire économique et sociale, enrichie des apports de l'histoire environnementale, de plusieurs territoires de l'arc alpin entre les XIIe et XXIe siècles.

En introduction de l'ouvrage, Luigi Lorenzetti évite le piège d'une définition stricte et restrictive de la montagne fondée sur les critères d'altitude, de climat ou bien de dénivellement (p. 10-11). Comme le souligne Gérard Béaur en conclusion, « chacun voit bien empiriquement ce qu'est une montagne, mais si l'on veut dégager des critères objectifs, la chose devient beaucoup plus ardue » (p. 303). Par conséquent, Luigi Lorenzetti défend une approche plus souple et dynamique de la montagne, construite à partir de l'étude des rapports – d'interdépendance, de dépendance ou bien de recherche d'autonomie – entre les terres hautes (hautes [End Page 184] montagnes) et les terres basses (vallées et plaines), et sur le poids des facteurs anthropiques et physiques sur ces espaces et leur appropriation. Pour lui, si spécificités socio-économiques des territoires de montagne il y a, celles-ci s'observent essentiellement dans la persistance « des efforts de défense des espaces d'autonomie de la gestion des ressources locales et de sauvegarde de la complémentarité entre les terres hautes et les terres basses » (p. 12). Finalement, cette conception du fonctionnement des sociétés de montagne rejoint celle, par exemple, de l'historien Pierre Judet, qui considère que les territoires de montagne offrent un « prisme déformant qui majore l'importance du local, de la pluriactivité et des mobilités4 ». Cette approche, que l'on retrouve à travers...

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