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Reviewed by:
  • Agricultural Enlightenment. Knowledge, Technology, and Nature, 1750-1840 by Peter M. Jones
  • Thomas Le Roux
Peter M. Jones, Agricultural Enlightenment. Knowledge, Technology, and Nature, 1750-1840, Oxford, Oxford University Press, 2016, 288 p.

Cet ouvrage d'un ruraliste confirmé et spécialiste de la paysannerie française à l'époque de la Révolution est une importante contribution à la compréhension de la naissance de notre société contemporaine. Il prend la forme d'un essai qui offre par ailleurs à tout lecteur une synthèse foisonnante sur les débats historiographiques portant sur la « proto-révolution » agricole (p. 7) des années 1750-1840. Sur le fond de l'argumentation, il s'inscrit dans le sillage des travaux de Joel Mokyr, qui voit dans l'économie de la connaissance et le mouvement intellectuel des Lumières écossaises le principal moteur de l'industrialisation, formalisé par le concept d'Enlightened Economy ou celui, voisin, d'Economics of Improvement. Il peut d'ailleurs se lire comme le deuxième volet d'un diptyque commencé avec son ouvrage précédent, Industrial Enlightenment, Science, Technology, and Culture in Birmingham and the West Midlands, 1760-1820 (2008), à ceci près que ce dernier portait sur un foyer industriel localisé de l'Angleterre, sans offrir un panorama aussi vaste que cet ouvrage qui porte sur l'Europe entière – notamment celle du Nord-Ouest. Le lecteur du Mouvement social trouvera grand intérêt à cette exploration des moteurs du développement agricole avant la révolution mécanique et chimique postérieure aux années 1840, car elle embrasse en fait des questions aussi vastes que celles des acteurs de la modernisation, du rôle des institutions, de la circulation, de la réception et des applications pratiques des connaissances, enfin des prédispositions matérielles et contingentes des sociétés. [End Page 195]

Il ne fait pas de doute que l'essor agricole de la seconde moitié du XIXe siècle, fondé sur le machinisme et la fertilisation artificielle des terres (engrais fossiles et chimiques), repose en grande partie sur les évolutions antérieures, telles que la réforme de la propriété, les évolutions sur les rotations des cultures ou encore l'intensification du travail. Peter Jones va plus loin : la période 1750-1840 en serait la matrice, en créant des déterminants autrement fondamentaux, à savoir l'impulsion des institutions, dont l'encouragement aux innovations et à la production devient un impératif patriotique et moral, et l'épanouissement de l'économie des connaissances agricoles et de l'information. Pour Jones, le cycle de croissance démographique impulsé après 1750 (la population européenne double presque en un siècle) témoigne à lui seul de la capacité des campagnes à produire plus et mieux, et cette progression provient de l'offre, à savoir la diffusion des connaissances, les transferts de compétences et de technologies, et le rôle de l'État. Ceci expliquerait notamment la « Petite divergence » entre une Europe du Nord-Ouest, en plein développement, bien inscrite dans ces réseaux de la connaissance, et une Europe méditerranéenne qui en serait plus éloignée. Comme cette dernière zone est à peine évoquée dans l'ouvrage, il est un peu difficile d'être entièrement convaincu.

Après un premier chapitre qui dresse le cadre théorique de l'économie politique (physiocratie, caméralisme) et rappelle l'importance du rationalisme et du credo de l'amélioration pour augmenter les ressources des États, Peter Jones en vient au cœur de sa démonstration. Tout d'abord, le rôle de l'État est un vecteur essentiel de la réforme agraire. Après la guerre de Sept Ans, la pression fiscale augmente partout en Europe, les États disposent de davantage de moyens pour évaluer les ressources de leur territoire, d'où l'éclosion des statistiques et de la cartographie comme moyen de connaissance ; parallèlement, les moyens opérationnels comme les sources de financement dédiés ou l'encouragement à la propriété privée, dont les enclosures anglaises forment un modèle et contre-modèle, se développent. Mais dans tous...

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