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  • Le renouveau de l'histoire des campagnes
  • Gérard Béaur

On la croyait morte et enterrée. L'histoire des campagnes figurait comme un champ tellement labouré qu'il en paraissait stérile et elle semblait désormais dénuée de tout ressort historiographique. Tout au moins en France. Tout n'avait-il pas été dit sur un sujet jadis central dans les préoccupations des historiens et des historiennes ? Tout renouvellement n'était-il pas interdit par l'abondance et la qualité des travaux anciens ? Pourtant, à l'écart des courants historiographiques dominants, des chercheurs continuaient d'irriguer ce champ en déshérence, par leurs travaux de plus en plus critiques et de plus en plus innovants. Depuis une bonne vingtaine d'années, les historiens et les historiennes du rural ont, en effet, revu leurs analyses, leurs méthodes, leurs paradigmes. La création d'une Association (française) d'histoire des sociétés rurales (AHSR) en 1993, et surtout le lancement d'une nouvelle revue l'année suivante – Histoire et Sociétés rurales – ont largement contribué à cette révision et aux débats qui l'ont entourée1. L'une et l'autre ont permis non seulement de fédérer des chercheurs et chercheuses isolés mais aussi de revitaliser ce champ historiographique et de servir de caisse de résonance pour les travaux engagés sur ces thématiques. Aujourd'hui, l'histoire des campagnes est pensée sur un mode différent. C'est cet aggiornamento que l'on entend mettre en scène dans ce numéro du Mouvement social.

L'objectif de cette sélection d'articles est précisément de suivre quelques-unes des pistes parcourues au cours des dernières années par les historiens et les historiennes, en se focalisant sur les questions qui concernent l'agriculture ainsi que les sociétés qui la pratiquent et en vivent. Le but assumé est bien de poser un regard neuf sur les sociétés rurales et leur rapport à la terre, un regard autre que celui qui persiste encore trop souvent. À vrai dire, ce n'est cependant pas la seule raison qui a emporté la décision de consacrer un numéro spécial à l'histoire rurale, telle qu'elle est conçue ici de manière dynamique, internationale et interdisciplinaire. Nos sociétés sont confrontées à de nouveaux défis et une bonne partie d'entre eux, alimentaires, environnementaux, sociaux, fonciers, sont du ressort du rural et plus précisément de [End Page 3] l'agricole. Certes, ces défis ne sont pas totalement neufs mais ils revêtent désormais, ou plutôt à nouveau, une certaine urgence. Or, à la lumière des récents développements scientifiques, l'expertise historique apporte des éléments de réponses aux incertitudes qui nous assaillent. Les textes inclus dans ce numéro s'articulent autour des rapports entre l'agriculture et la société. Ils entendent ainsi revenir à la fois sur les enjeux qui agitaient les campagnes dans le passé et en montrer la pertinence pour mieux comprendre les problèmes contemporains.

Pour rendre compte de la démarche qui a été adoptée et introduire le questionnement qui la sous-tend, on procédera en trois temps. On se propose, en premier lieu, de justifier par un retour historiographique le caractère utile, j'allais dire nécessaire, de cette intrusion dans les nouveaux chantiers de l'histoire des campagnes. On analysera dans un deuxième temps les raisons profondes qui ont réorienté les recherches des historiens du rural vers d'autres horizons et ont permis le renouvellement de ce champ. Enfin, dans une troisième partie, on réinsérera les textes qui figurent dans ce numéro dans le cadre des trois thématiques centrales qui le structurent : le cadre productif et les enjeux des exploitations, la question foncière et le rapport à la terre, les acteurs et les formes d'identités paysannes.

Pourquoi l'histoire rurale ?

Le renouveau ainsi revendiqué n'est pas toujours réellement assimilé par l'historiographie conçue au sens large. Certes...

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