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Reviewed by:
  • The Sober Revolution. Appellation Wine and the Transformation of France by Joseph Bohling
  • Stéphane Le Bras
Joseph Bohling, The Sober Revolution. Appellation Wine and the Transformation of France, Ithaca, Cornell University Press, 2018, 278 p.

À travers son ouvrage, Joseph Bohling tente un pari osé : réussir à mettre en relation la mutation que connaît le marché des vins à compter des années 1950 et la rapide accélération des mesures visant à limiter l'alcoolisme en France. En effet, le second XXe siècle est frappé par ces deux phénomènes dans le domaine de la consommation des boissons alcoolisées, et si les deux sont relativement bien connus grâce aux travaux de Gilbert Garrier, Rémy Pech, Thierry Fillaut, Myriam Tsikounas, Bertrand Dargelos ou Didier Nourrisson, leur lien n'avait été jusque-là qu'évoqué. Joseph Bohling, assistant professor à la Portland State University, dans une étude fortement documentée et convaincante, va plus loin que ces premières esquisses et propose une analyse fine des interdépendances entre les évolutions conjointes de la filière viti-vinicole et de l'antialcoolisme en France depuis les années 1950. Sa thèse centrale – qui justifie le titre de son ouvrage, La révolution sobre – est relativement simple : les autorités françaises, dans un vaste plan de lutte contre l'alcoolisme chronique en France, ont décidé à partir de cette décennie de soutenir une profonde transformation de la filière viti-vinicole afin de limiter la consommation de vin dans le pays et, de facto, son coût sanitaire.

L'auteur, après une introduction resserrée présentant son objet d'étude, ses réflexions initiales et l'organisation de son travail, propose un déroulé chronologique qui recoupe un découpage thématique. Si l'ouvrage se concentre principalement sur les Trente Glorieuses, le premier chapitre revient sur la période antérieure et plus particulièrement sur les évolutions dans les années 1930 qui voient le marché profondément chamboulé, à la fois par les conséquences des difficultés économiques de l'époque et par les aléas d'un interventionnisme étatique à la recherche d'un modèle efficace. Il met ensuite en évidence les continuités qui existent entre la politique [End Page 202] viticole de contrôle du marché sous la IIIe République et les lois vichystes d'encadrement strict de production et de consommation, tout ceci ouvrant la porte à un vaste effort de transformation dans les années d'après-guerre. Celles-ci se caractérisent par l'alliance des technocrates, de certains acteurs de la filière viti-vinicole et d'hygiénistes qui, tous ensemble, visent à modifier les rapports de force qui préexistent alors (chap. 2). L'auteur revient notamment sur la fondation du Haut comité d'étude et d'information sur l'alcoolisme en 1954, sous le gouvernement Mendès-France, dont l'un des buts explicites est de favoriser la diminution de la consommation de vins de consommation courante au bénéfice de vins de meilleure qualité. Par la suite, dans la seconde moitié des années 1950 et avec l'instauration de la Ve République, de nouvelles alliances se forgent, notamment avec l'Institut national des appellations d'origine, fondé dans les années 1930 afin de réguler la filière des vins d'appellation, donc de qualité (chap. 3). Joseph Bohling dresse ensuite le tableau des différentes mesures et orientations prises dans l'optique de cette « révolution sobre », et plus précisément le rôle tenu par le développement de l'œnotourisme automobile, dans lequel la notion de terroir, si chère aux promoteurs des vins de qualité, est largement investie (chap. 4). L'auteur, dans un cinquième et dernier chapitre, analyse enfin les connexions entre l'instauration du système des appellations et le rapport à l'extérieur, qu'il soit algérien ou européen, dans un cadre réglementaire de plus en plus solide.

La première grande réussite de l'ouvrage est de mettre en évidence les mécanismes qui expliquent comment...

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