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Reviewed by:
  • Organic Resistance. The Struggle over Industrial Farming in Postwar France by Venus Bivar
  • Margot Lyautey
Venus Bivar, Organic Resistance. The Struggle over Industrial Farming in Postwar France, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, « Flows, Migrations and Exchanges », 2018, 240 p.

Organic Resistance fait l'histoire de l'industrialisation de l'agriculture française et des oppositions à ce processus de 1945 jusqu'aux années 1980. Une histoire que Venus Bivar retrace de manière parallèle, tels deux versants d'une même transformation. Elle raconte comment la France est devenue le deuxième exportateur agricole mondial tout en étant reconnue pour ses petits producteurs de denrées de qualité. Cette perspective se traduit dans la structure du livre, découpé en chapitres chrono-thématiques. Le premier porte sur le modèle industriel entre 1944 et 1958, la politique de planification par l'État et le remembrement, dans le contexte de la reconstruction, tandis que le deuxième chapitre aborde les alternatives à ce modèle qui, pendant la même période, posent les fondations pour des marchés de niche de produits de « qualité » et une agriculture plus consciente de l'environnement et de la santé. Les troisième et quatrième chapitres démarrent avec l'avènement de la Ve République et adoptent la même dynamique : la politique d'industrialisation par l'État qui s'intensifie entre 1958 et 1968 et passe « à plein régime » (p. 85), puis les résistances à celle-ci qui perdurent et se développent. Le dernier chapitre, « verdir le conventionnel » (p. 141), traite de la période 1968-1980 et montre comment ces deux histoires convergent peu à peu avec l'ambition de l'État de rendre l'agriculture moins dépendante des intrants chimiques, même si in fine c'est bien l'idéal industriel qui reste dominant.

Des travaux historiens ont déjà traité de la modernisation de l'agriculture en France après 1945, mais le livre de V. Bivar n'est pas redondant. D'une part, son travail rend ce sujet accessible dans une autre sphère linguistique, le livre s'adressant avant tout à un lectorat nord-américain. Ainsi, son point de départ est la déconstruction de la vision mythique, depuis l'Amérique du Nord, d'une France comme bastion de l'alimentation saine et de la culture gastronomique. Notons aussi le véritable effort de traduction de notions françaises. D'autre part, le livre de Venus Bivar est extrêmement instructif en ce qu'il adopte une perspective nouvelle sur un sujet souvent traité par l'historiographie de manière positiviste et triomphaliste. Alors que des travaux précédents insistent sur l'implication des agriculteurs et [End Page 205] des syndicats dans la modernisation de l'agriculture, l'élaboration des lois d'orientation, la conquête d'une qualité de vie, Venus Bivar met en évidence la violence du processus. Choisissant le foncier comme objet d'analyse privilégié, elle s'intéresse tout particulièrement à l'action des SAFER (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural). Leur création traduit la radicalisation du remembrement, notamment à travers leur droit de préemption sur n'importe quel terrain agricole. Leur objectif est de maintenir des prix fonciers raisonnables pour permettre aux agriculteurs de s'équiper, mais en décidant au niveau local de qui aura accès à la terre, elles incarnent la « brutalité » de l'industrialisation, qui vise à promouvoir tout un secteur productif pour l'exportation, sans attention pour les destins individuels.

Venus Bivar insiste sur la rapidité (une génération), spécifique à la France, de l'industrialisation de l'agriculture. Si les statistiques sont connues, on en oublie souvent l'expérience humaine : en l'espace d'une vingtaine d'années, la France perd un million de fermes, mais la majorité des départs ne sont pas volontaires. L'auteure met en évidence le coût humain de cette politique d'État d'injonction à la concentration (« Get big or get out »), obnubilée par la productivité. Elle redonne une voix aux laissés pour compte, aux « perdants », accordant...

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