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  • Un mystérieux prince baudelairien: “Une gravure fantastique” poème LXXI des Fleurs du Mal by Marc Dominicy
  • Vincent Vivès Unité de recherche De Scripto
Marc Dominicy. Un mystérieux prince baudelairien: “Une gravure fantastique” poème LXXI des Fleurs du Mal. Lormont: Éditions Le Bord de l’eau, 100 pp.

Belle cavalcade

(au sujet d’Un mystérieux prince baudelairien de Marc Dominicy)

Gageure capricante, vigoureuse et rigoureuse: Marc Dominicy propose aux éditions Le Bord de l’eau (Lormont, 2020) une lecture d’un poème apparemment mineur—ou minoré—, “Une gravure fantastique” (pièce LXXI des Fleurs du Mal), de Charles Baudelaire. Cela donne Un mystérieux prince baudelairien, petit essai par le format (100 pages) mais grand par les multiples talents qui s’y adjoignent.

Arrêtons-nous en un premier temps sur la méthode, virevoltante, travaillant et avançant par cercles concentriques qui finissent par se dissoudre les uns dans les autres comme des répliques sismiques, construisant pour les besoins de la démonstration un écheveau fort subtil. Ce dernier débute par des considérations stylistiques autour d’un poème de 14 vers évadé de la forme majeure [End Page 303] du sonnet que Baudelaire affectionne; il se poursuit avec des considérations relevant de la sociologie de la littérature, de l’histoire des idées (politiques), et pénètre loin dans les rapprochements, toujours pertinents, qu’offre l’étude intertextuelle, elle-même revenant à l’attention portée à la langue. On pour-rait, dans cette volte organisationnelle du discours critique, se perdre. C’est tout le contraire: avec légèreté, l’essai suit sa pensée sans s’appesantir dans une quelconque forme de didactisme. Les arguments émergent des analyses, celles-ci s’ouvrent à la littérature critique universitaire la mieux maîtrisée et la plus convaincante sur le domaine. Les ouvertures plongent dans de nombreuses œuvres (particulièrement Verlaine, Gautier et Leconte de Lisle) pour rejaillir au sein de la “gravure fantastique,” avec un beau et rare butin.

Galopant (puisqu’il s’agit d’un poème dont l’inspiration initiale vient d’une gravure de Joseph Haynes, Death on a Pale Horse, réalisée à partir d’un dessin aujourd’hui disparu de John Hamilton Mortimer), l’essai fait ses premiers pas selon un dessin linéaire, partant de la forme et de la généalogie du poème pour interroger le travail de l’écriture qui, derrière ce qu’on pourrait penser comme une ekphrasis, présente des déplacements dignes du plus grand intérêt interprétatif. Marc Dominicy, parti des archives du texte, flaire la “niche sociologique” où ont pris naissance le poème ainsi que les deux chansons que Baudelaire a composées à partir de la gravure allégorique. La question politique vient au-devant du tableau: socialisme (Blanqui, Proudhon), présence, soutenue par l’interprétation de Steve Murphy, de Louis-Napoléon Bonaparte chevauchant la mort, parcourant, “comme un prince inspectant sa maison, / Le cimetière immense et froid, sans horizon” (la France abîmée par le coup d’Etat du 2 décembre 1851).

Menée à fière allure, l’étude s’arrête sur des études et des enquêtes. Rien de précipité dans le train tenu. Arrêt sur la préface des Émaux et camées de Théophile Gautier, intrusion dans “La Rançon” de Baudelaire, recherche minutieuse élaborée à partir de la base Frantext pour faire apparaître, à partir de faits de langues, de nouvelles hypothèses herméneutiques. Car, comme dans ce faux sonnet qu’est “Une gravure fantastique,” une sorte de fausse volta vient, au milieu de l’essai, faire volter le galop. Nous croyions avec la figure politique de Napoléon III être arrivés à bon port. Nous n’étions qu’au milieu du gué. Nouveau coup de croupe, un détail linguistique donne le signal d’un départ pour une autre direction: au mi-temps du poème (vers 7), l’expression “au travers de” présente une irrégularité ouvrant à un nouveau champ inter-textuel: “Une gravure fantastique” signe...

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