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Reviewed by:
  • What is Work? Gender at the Crossroads of Home, Family and Business from the Early Modern Era to the Present by Raffaella Sarti et al.
  • Camille Fauroux
Raffaella Sarti, Anna Bellavitis et Manuela Martini (dir.), What is Work? Gender at the Crossroads of Home, Family and Business from the Early Modern Era to the Present, New York, Berghan Books, « International Studies in Social History », 2018, 398 p.

Cet ouvrage se propose d'interroger les frontières du travail à partir de l'espace domestique. Pour éclairer cette question, Raffaella Sarti, Anna Bellavitis et Manuela Martini ont rassemblé les contributions de chercheuses de différentes disciplines, portant sur l'Europe et les États-Unis, du XVIe siècle à nos jours. Qu'il s'agisse du soin apporté aux membres de la famille, de la production à domicile pour le marché ou même d'une activité dans le cadre d'une entreprise familiale, le travail réalisé à la maison est largement l'œuvre des femmes. Or, la définition étroite du travail qui s'impose au XIXe siècle empêche de considérer l'importance économique de ces activités.

Le lien entre la conception du travail comme activité productive qui s'impose à l'époque contemporaine et l'invisibilisation de tout un pan des activités féminines est au cœur de cet ouvrage. La définition du travail qui devient dominante au XIXe siècle écarte les soins des mères et des épouses à l'égard des membres de leur famille. Cette exclusion initiale a des conséquences plus vastes : par extension, les activités s'exerçant dans le cadre familial et l'espace domestique, notamment quand elles sont effectuées par des femmes, sont considérées comme marginales. C'est d'autant plus délétère que le travail confère alors des droits, notamment politiques. L'invisibilisation du soin des épouses et des mères aux membres de leur famille est donc la matrice d'un effacement plus large de la contribution féminine à l'économie et à la vie en société.

Le concept féministe de « travail reproductif », forgé au début des années 1970 à partir d'une reprise hétérodoxe du concept de reproduction de Marx, permet toutefois de saisir les contours de ces activités négligées. Les activités de soin réalisées dans le cadre familial sont en réalité indispensables au fonctionnement de l'économie capitaliste, puisqu'elles (re)produisent quotidiennement « cette étrange marchandise qu'est le travailleur » (p. 29). En ce sens, il s'agit bien de travail, même si les conditions dans lesquelles il s'exerce – relations familiales, cadre domestique, absence de rémunération – tendent à obscurcir ce fait.

En faisant de cet effacement un problème, l'ouvrage offre une perspective féconde pour repenser la notion de travail. D'une part, il ouvre une question sur la construction historique de ses frontières. Des distinctions tenues aujourd'hui pour évidentes ont une trajectoire plus mouvementée qu'il n'y paraît. Il montre aussi de façon très convaincante combien la contribution des femmes à la production [End Page 207] de biens et de services pour le marché a été mécomptée par les sources. Inclure les activités effectuées à domicile ou dans le cadre d'entreprises familiales, que les statistiques ont eu tendance à négliger, autorise par exemple à revoir profondément les temporalités de l'activité féminine. Mais enfin, comme l'expliquent les éditrices dans l'introduction, il ne s'agit pas simplement de corriger les biais des sources pour rétablir une véritable histoire de la contribution des femmes au travail productif. Il importe plutôt de revenir sur le partage initial pour inclure le travail domestique effectué en tant que responsabilité familiale à l'histoire du travail. Seul ce déplacement permettra en effet de prendre la pleine mesure de la contribution des femmes à l'économie et à la (re)production de la vie en société.

Le livre est très dense, théoriquement et empiriquement, mais la reprise des éléments saillants dans l'introduction et...

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