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Reviewed by:
  • La violence politique en Italie dans les années 68by Marco Grispigni
  • Danielle Tartakowsky
Marco Grispigni, La violence politique en Italie dans les années 68, traduit de l'italien par Rossana Vaccaro, Paris, L'Harmattan, « Questions contemporaines », 2018, 202 p.

Les ouvrages italiens mais également français ou anglo-saxons, quoique à moindre titre, traitant de la violence politique dans l'Italie des années de plomb sont légion. Marco Grispigni l'admet d'autant plus volontiers dès les premières pages de son ouvrage que celui-ci se veut une approche critique de la plupart des thèses qu'ils ont véhiculées et véhiculent encore.

L'ouvrage est paru en 2016 en Italie, sous un titre sensiblement différent de sa traduction française 15, traduction vraisemblablement requise par un éditeur soucieux de bénéficier de la manne escomptée du cinquantenaire de 1968, mais susceptible d'occulter ce qui fait le coeur de la démonstration. L'objectif de Marco Grispigni est en effet de s'attaquer à la théorie de la continuité, selon laquelle la cause des années de plomb devrait être recherchée dans l'idée même de révolution et de renversement de l'ordre établi (Angelo Ventrone) et, par là même, dans les années 68.

Ces années ne sont assurément pas absentes de l'ouvrage. L'auteur déplore que « les déclarations de principe sur [leur] dimension internationale résonnent désormais comme de vraies incantations » et que les recherches soient demeurées « cantonnées au cadre national au détriment d'analyses comparatives qui pourraient mieux saisir les particularités de certains événements nationaux et aider à comprendre les aboutissements différents selon les pays de l'après 68 », soit un propos auquel nous souscrivons volontiers. Les trois premiers chapitres de l'ouvrage s'essaient à de telles analyses. Une comparaison entre la violence qu'ont connue la France et l'Italie, de l'après-guerre aux années 1960, revient sur la similarité des séquences économiques et géopolitiques (la guerre froide) et sur la contemporanéité de certains infléchissements, dont le frein mis à la violence policière après 1962, sous l'effet de données politiques spécifiques à chacun (la fin de la guerre d'Algérie d'une part, l'institutionnalisation des partis de gauche et l'entrée au gouvernement du PSI de l'autre). Elle insiste sur cette différence notable qu'a été l'usage des armes à feu par les forces de l'ordre en Italie et son absence en France, avec un bilan des victimes à l'avenant. Soit, en creux et en miroir du fil directeur de l'ouvrage, une retraversée des spécificités françaises. [End Page 184]

Le deuxième chapitre, qui s'apparente à une transition, est consacré à la violence déployée durant les années 1960 dans une multiplicité d'États à l'initiative d'un nombre croissant de mouvements contestataires. « On ne saurait réduire cette violence à son unique dimension culturelle et anthropologique car la pratique d'une violence existentielle et "expressive" cohabite le plus souvent avec le retour d'une violence plus directement politique et liée à une stratégie révolutionnaire, écrit Marco Grispigni. Ces deux aspects de la violence coexistent dès le départ et sont à analyser en interaction si l'on veut comprendre les raisons des conclusions divergentes des scénarios nationaux malgré leurs fortes similitudes initiales. » Cette analyse introduit parfaitement les développements ultérieurs consacrés à la singularité des années de plomb, mais confère en revanche un caractère qui nous est apparu un peu superfétatoire au troisième chapitre traitant de la conflictualité et de la répression déployées en 1968 dans différents pays concernés, et de leurs similitudes. Le rappel nécessairement rapide de faits désormais bien connus n'apporte pas grand-chose au lecteur et s'accompagne de certaines outrances aux fins de mieux asseoir le poids des similitudes (ainsi p. 100, quand les barricades parisiennes sont présentées comme...

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