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  • Une tragédie sociale en 1908. Les grèves de Draveil-Vigneux et Villeneuve-Saint-Georges by Serge Bianchi
  • Jean-Claude Farcy
Serge Bianchi, Une tragédie sociale en 1908. Les grèves de Draveil-Vigneux et Villeneuve-Saint-Georges, Nérac, Comité de recherches historiques sur les révolutions en Essonne-Éditions d'Albret-Amis du Vieux Nérac, 2014, 665 p. Préface de Michelle Perrot.

Les grèves de Draveil-Vigneux et Villeneuve-Saint-Georges avaient fait l'objet d'une première étude remarquée de Jacques Julliard, sous la forme d'un dossier d'archives, intitulée Clemenceau briseur de grèves 12. Trente ans après, Serge Bianchi, spécialiste de l'histoire de la Révolution française et fin connaisseur de l'histoire de l'Essonne, publie une véritable somme, accompagnée d'un très riche dossier documentaire, sur cet épisode majeur de la lutte de classes au début du XXe siècle, quand le syndicalisme révolutionnaire, adepte d'une opposition frontale au capitalisme, prônant l'action directe et la grève générale, influençait largement le mouvement ouvrier. Fruit d'une trentaine d'années de travail dans les dépôts d'archives les plus variés, le livre propose une analyse que l'on peut qualifier d'exhaustive, reposant sur une documentation exceptionnelle (présentée dans le chapitre 3), puisant dans le riche dossier du fonds du ministère de l'Intérieur (série F7 des Archives nationales), les fonds des archives départementales et municipales ainsi que dans la presse qui a largement suivi les événements. À l'évidence, les points de vue des différents protagonistes–ouvriers et syndicalistes, autorités publiques, patronat–sont parfaitement développés et illustrés, et l'on est étonné, avec l'auteur, de l'extrême précision de certains rapports policiers suivant heure par heure les débats des militants syndicalistes sur la décision de lancer ou non un appel à la grève générale. Il est vrai que le gouvernement de Clemenceau est excellemment renseigné et dispose d'agents bien placés pour jouer la carte de la provocation (chap. 15, « Provocations et règlements de compte »). On se demande cependant si l'on a tiré tout le profit des archives judiciaires, les références à celles-ci semblant se faire surtout via les pièces du dossier de l'Intérieur. La mention en « Sources » du dossier de la Chancellerie (sans cotation) ne lève pas l'incertitude sur le dépouillement de la série chronologique des fonds de la Division criminelle (série BB18) 13.

Les événements sont connus : pendant une centaine de jours, du 2 mai au 4 août 1908, plus d'un millier d'ouvriers (terrassiers, carriers et mariniers), remarquablement organisés par leur syndicat, sont en grève pour des revendications multiples, allant de l'augmentation de salaires à l'obtention d'une convention collective et la reconnaissance du fait syndical. Se heurtant à un patronat intransigeant et bien organisé, qui fait appel aux « jaunes » et à la force publique pour assurer la liberté du travail, ils sont victimes des tirs d'un gendarme le 2 juin alors qu'ils étaient paisiblement assemblés dans leur lieu de réunion habituel. La mort de deux terrassiers entraîne l'escalade et la manifestation de protestation du 30 juillet, apportant le soutien des ouvriers parisiens et de la direction de la CGT, est chargée violemment par la gendarmerie et l'armée qui démantèlent quelques « barricades » et font la chasse aux manifestants : le bilan tragique de la journée se solde par quatre morts et près de deux cents blessés parmi les ouvriers. [End Page 182]

Déroulant le fil des événements avec une sympathie non dissimulée pour les terrassiers en grève–assumée ouvertement p. 438 comme dans l'emploi de l'expression « les camarades » pour désigner les militants syndicaux–Serge Bianchi n'en présente pas moins le dossier avec une objectivité qui ne peut être prise en d...

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