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Reviewed by:
  • The Everyday Nationalism of Workers : A Social History of Modern Belgium by Maarten Van Ginderachter
  • Serge Jaumain
Van Ginderachter, Maarten –The Everyday Nationalism of Workers : A Social History of Modern Belgium. Standford, Stanford University Press, 2019, 265 p.

Professeur d'histoire contemporaine à l'Université d'Anvers, Maarten Van Ginderachter est l'un des meilleurs spécialistes des nationalismes européens. Dans cet ouvrage, fruit d'une longue et passionnante recherche, il propose un regard neuf et fort original sur une question trop peu abordée par les historiens : le rapport du monde ouvrier au nationalisme dans la Belgique d'avant la Première Guerre mondiale.

La recherche porte sur un petit pays qui, au cœur de l'Europe, a toujours cultivé l'art du paradoxe et des blocages de toutes natures. Ce n'est pas un hasard si l'ouvrage s'ouvre sur deux questions volontairement provocatrices posées en septembre 2007 par le journal The Independant : « Is Belgium on the brink of breaking apart, and [End Page 239] would it matter if it did? ». Douze ans plus tard, ces interrogations restent d'une brûlante actualité et la récurrence de ce type de questionnement ne peut manquer d'interpeller l'observateur politique. L'auteur invite à se pencher de manière plus approfondie sur les éléments qui ont contribué à fonder ce curieux pays et, surtout, à le maintenir plus ou moins uni jusqu'au début du XXIe siècle.

L'analyse historique prend ici tout son sens : dès l'accession à l'indépendance, en 1830, les autorités belges dépenseront une énergie considérable pour démontrer la viabilité mais aussi la cohérence du nouvel État. Il fallait affirmer sa place dans le concert des nations européennes, mais surtout prouver à sa population qu'il avait une raison d'être. Des stratégies multiformes furent mises en œuvre pour créer, renforcer puis maintenir un « esprit national ». Mais quel fut l'impact réel de ces stratégies ?

De nombreux travaux se sont déjà intéressés aux particularités du nationalisme belge. Cependant, tout comme la plupart des études sur l'histoire des nationalismes européens, c'est d'abord le discours des élites, voire des classes moyennes, qui a retenu l'attention. Le rapport du monde ouvrier au nationalisme a pour sa part souvent été déduit de ce qu'en disaient les sources produites par d'autres groupes sociaux voire par les grandes organisations ouvrières. Du coup, on sait finalement peu de choses sur la manière dont les travailleurs vivaient au quotidien le nationalisme. Comment percevaient-ils l'État, le souverain, le drapeau, l'hymne national ou encore les festivités commémorant l'indépendance ? Pour la première fois, une synthèse claire et très argumentée reposant sur une impressionnante recherche propose des réponses précises à ces questions.

On notera au passage que le titre de l'ouvrage (The Everyday Nationalism of Workers) et son sous-titre (A Social History of Modern Belgium) constituent déjà tout un programme : à travers l'analyse du cas belge, l'auteur se situe à la jonction des travaux sur le nationalisme et l'histoire sociale.

Pour mener à bien cette vaste entreprise, Maarten Van Ginderachter a choisi de revisiter de nombreuses archives traditionnelles pour tenter d'y saisir le discours des travailleurs. Toutefois, il a surtout exploité des sources produites directement par le monde ouvrier, la plus originale étant, sans conteste, ce que l'on appellerait aujourd'hui les « tweets ouvriers ». Ces brefs messages publiés dans la presse socialiste par des sympathisants du parti étaient généralement composés d'une courte phrase accompagnée de leur nom, parfois de leur profession et toujours de la somme d'argent (généralement quelques centimes) déboursée pour soutenir l'action socialiste. Ces brefs messages offrent une occasion exceptionnelle d'« écouter » le monde ouvrier. L'auteur en a compilé et analysé plus de 27 000, publiés dans le journal socialiste Vooruit entre février 1886 et décembre 1900. Cette source, qui n'avait jamais fait l'objet d'une analyse de cette...

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