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Reviewed by:
  • Purchasing Power. Women and the Rise of Canadian Consumer Culture by Donica Belisle
  • Clarence Hatton-Proulx
Belisle, Donica –Purchasing Power. Women and the Rise of Canadian Consumer Culture. Toronto, University of Toronto Press, 2020, 264 p.

Certains titres d'ouvrages arrivent à résumer en quelques mots leur thèse principale, et c'est le cas du livre de Donica Belisle, historienne du genre et de la consommation. Le sens littéral du titre en anglais renvoie au concept économique de pouvoir d'achat, bien assimilé dans nos sociétés contemporaines. Mais il est aussi possible de l'interpréter comme l'action d'acheter le pouvoir. Et, selon l'autrice, c'est précisément ce que les femmes blanches canadiennes ont tenté de faire durant la période étudiée, soit de la fin du XIXe siècle aux années 1930. Elles ont cherché à démontrer leur importance dans la sphère publique à travers leurs choix de consommation.

Fidèles à l'esprit de l'époque, elles ne considéraient pas cette action comme transgressive. Les femmes qui se sont impliquées dans les différents mouvements de consommatrices présentés dans le livre respectaient plutôt la division genrée idéalisée du travail selon laquelle les hommes étaient responsables de la production et les femmes, de la consommation. Leur action ne visait pas à démolir l'édifice de la famille victorienne, mais plutôt à améliorer leur statut au sein des structures préexistantes, comme le montre habilement Donica Belisle. Pourtant, certaines des actions menées proposaient une vision différente de l'économie politique de la consommation à l'ère industrielle. On peut penser à ces consommatrices rurales qui plaidaient pour l'achat commun et le partage d'objets domestiques tels que les électroménagers ou encore au mouvement des coopératives qui promouvaient l'achat local et le court-circuitage des intermédiaires.

Un des mérites de cet ouvrage est donc de montrer la pluralité des voies possibles dans l'histoire de la consommation, à rebours des récits téléologiques et moralisateurs qui opposent faussement citoyenneté (associée au bien commun) et consommation (associée à l'individualisme et à la dépolitisation). Durant la période étudiée, les femmes canadiennes ont au contraire établi des liens entre ces deux registres d'action connexes. Par exemple, la Women's Christian Temperance Union, étudiée dans le premier chapitre, a orchestré le boycott de plusieurs commerces qui fabriquaient et vendaient de l'alcool. La question de la prohibition servait de levier aux femmes impliquées pour revendiquer une maîtrise accrue des dépenses familiales, ce qui leur permettait de présenter les femmes au foyer comme plus dignes et plus responsables que les hommes.

La politisation de la consommation est aussi visible durant la Première Guerre mondiale, qui fait l'objet du second chapitre. Un lien direct est établi entre l'effort de guerre et les choix de consommation des Canadiennes, qui sont encouragées à éviter certains ingrédients et à faire preuve d'économie. Dans un contexte parallèle, celui de la Grande Dépression, H. H. Stevens, ministre fédéral du Commerce, affirme par exemple que « Canadian women hold in their hands today, what is perhaps the most powerful factor in Canadian life—the terrific power of the buyer » (p. 181). Le lien entre consommation, féminité et pouvoir politique est explicite jusque dans les mots des actrices et acteurs historiques, ce qui cimente la thèse de Belisle. [End Page 181]

L'histoire de la consommation, comme a pu le montrer par exemple Frank Trentmann, est ponctuée de dissensions et de désaccords moraux autour des choix de consommation. Entre la discrétion et l'ostentation, entre l'autoproduction et les chaînes d'approvisionnement tentaculaires, il y a tout un spectre d'attitudes teintées de jugements de valeur. La diversité des rapports à la consommation dont font preuve les consommatrices rurales associées aux Women's Institutes, tiraillées entre l'économie et l'affirmation par la consommation, en est un bon exemple. Puisant dans la théorie de la distinction de Pierre Bourdieu...

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