“Lire aux tout-petits.” Caractères, no. 61 (review)

Le numéro 61 de la revue Caractèresde l’Association belge de littérature française (ABLF), association sans but lucratif (ASBL), est composé d’articles consacrés à la lecture des tout-petits. Publiée exclusivement en ligne depuis 2019, la revue dispense des articles pratiques en didactique de la lecture et de l’écriture destinée aux enseignants de l’école maternelle au supérieur, ainsi qu’aux animateurs et formateurs spécialisés dans le domaine de l’alphabétisation et de l’éducation permanente des adultes.

Dans la lignée d’“Actions culturelles contre les exclusions et les ségrégations” (ACCES), d’origine française, Roxane de Limelette, de l’ASBL Boucle d’or (5–7), signe l’éditorial “Lire aux jeunes enfants” dont l’objectif est de lutter contre les inégalités sociales et scolaires des tout-petits en milieu défavorisé. Jeanne Ashbe, autrice et illustratrice, décrit “Les enjeux de la lecture précoce faite au jeune enfant, à voix haute et de manière individualisée” (7–24). Elle appuie ses dires sur de nombreux travaux qui ont porté sur l’émergence de la langue et de la pensée chez les tout-petits, puisque la lecture à haute voix est d’abord une voix, une intonation, un rythme, un volume, une prosodie. Peu à peu, l’enfant découvre la langue du récit avec ses particularités, tout en vivant un échange affectif et interactif indispensable à l’émergence de la langue. La lecture individualisée adressée aux prématurés est aussi indispensable qu’un soin infirmier, précise-t-elle, car elle constitue un outil de prévention.

Isabelle Schoenmaeckers explore “les richesses des auteurs/illustrateurs américains dans la littérature de nos tout-petits” lors d’un entretien réalisé auprès du spécialiste de la littérature de jeunesse, Michel Defourny (25–37), également fondateur et président de l’ASBL “Fonds Michel Defourny” (26). Selon Defourny, la littérature de jeunesse est liée à notre conception de l’enfance et de l’éducation. Il cite des albums emblématiques d’hier et d’aujourd’hui destinés à la petite enfance et écrits par des Américains et des Anglais. Isabelle Schoenmaeckers met l’accent “sur les livres sans texte et leurs innombrables richesses” (38–49) dont le sens ou l’histoire sont portés uniquement par une suite d’images. Dans ce contexte, l’enfant devient un explorateur, quelle que soit sa langue d’origine, puisque l’album tout en images s’avère un merveilleux support pour développer les échanges langagiers indispensables à son développement (44). À la fois illustratrice et évocatrice, l’image peut être descriptive, narrative voire connotative.

En dernier lieu, Roxane de Limelette, psychologue, comédienne et lectrice, relate “Des lectures à voix haute individualisées en classe maternelle” (50–63). Durant dix-huit mois, elle est intervenue dans deux classes de maternelle dans une école de Molenbeek, à indice socio-économique bas, pour y vivre une expérience émotionnelle. Selon cette approche, l’enfant, face à l’album, “va pouvoir laisser aller son esprit vagabond au gré de son plaisir, de ses découvertes, de ses émotions” (51). Au fil de ses interventions, de Limelette note les apprentissages des petits. Finalement, pour donner encore plus le goût aux intervenants en petite enfance de lire des albums aux enfants, Isabelle Schoenmaeckers, en collaboration avec Claire Nanty, de la librairie de La Grande Ourse spécialisée jeunesse à Liège (64–68), a sélectionné près d’une vingtaine de “Coups de cœur” parus en France.

Ce numéro consacré à la lecture des 0–5 ans propose diverses pistes d’interventions vécues en milieu défavorisé et contribue à l’apprentissage du français, tant oral qu’écrit, auprès de communautés issues de l’immigration, notamment, sans pour autant ignorer leur langue d’origine. Les propositions empruntent à des expériences vécues en France, depuis plusieurs décennies, notamment...