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  • Vers des identités culturelles postfrancophones: pour des littératures en langue française libérées des errements de la Francophonie par Christophe Ippolito
  • Bertrand Westphal
Vers des identités culturelles postfrancophones: pour des littératures en langue française libérées des errements de la Francophonie. Par Christophe Ippolito. (Essais.) Caen: Passage(s), 2019. 278 pp.

'Malaise dans la Francophonie'… 'Pour une "défrancophonisation"'… 'Pour une critique de la notion de francophonie'… Voilà autant d'intertitres qui caractérisent le livre de Christophe Ippolito et sonnent comme les amorces d'une série de manifestes qui revendiqueraient la refonte du domaine des études francophones. Il est vrai que celui-ci ne peut plus en aucun cas s'appuyer sur le legs hautement problématique d'Onésime Reclus, le géographe par l'intermédiaire duquel le terme et la première interprétation du concept de 'francophonie' sont entrés dans le vocabulaire colonial, en 1886. On distingue parfois la 'francophonie' proprement culturelle, celle des locuteurs, de la 'Francophonie' des institutions, de l'Organisation internationale de la Francophonie, etc. Sous la plume d'Ippolito ce sont les deux acceptions de la formule qui font l'objet d'une critique, comme si elles constituaient l'avers et l'envers d'une même médaille. Les limites entre les deux paraissent en effet floues, alors que selon l'auteur, les stéréotypes s'accumulent. Il s'agit dès lors de repenser le concept pour en arriver à une postfrancophonie, qui, en quelque sorte, constituerait le pendant postcolonial de la f/Francophonie (Edward Said est cité). On pourrait du reste se demander s'il existe un lien entre une 'postfrancophonie' ainsi entendue et la 'postcolonie' conçue par Achille Mbembe ou Abdourahman Waberi. On saisit très bien la portée de la dénonciation à laquelle se livre Ippolito. La postfrancophonie seraitelle synonyme de défrancophonisation, comme le laisse penser le titre de la Conclusion? L'ample tour d'horizon auquel nous convie l'auteur est instructif et donne quelque éclairage qui nous oriente vers une réponse, mais il est impossible de le résumer en quelques mots, tant il est ample. Il transite par l'examen des œuvres de Régine Robin, Soeuf Elbadawi, Léon-Gontran Damas, Marie NDiaye, Nadia Tuéni, Raymond Roussel, Michel Leiris et de quelques autres. Face à la question cruciale de savoir si postfrancophonie et défrancophonisation sont synonymes, on répondra par la négative. C'est en tout cas ce que à quoi Ippolito s'applique en conclusion. On pourrait commenter que cela est heureux dans le cadre d'une littérature mondiale dont la globalisation passe par une anglicisation/américanisation frénétique (80 pour cent du marché mondial de la traduction implique des ouvrages rédigés en anglais, alors que l'anglais n'est que la quatrième langue cible). Toutefois, cela ne saurait suffire. La justification traditionnelle de la francophonie consistant à la transformer en ultime rempart devant une anglophonie galopante et si hégémonique qu'elle devient un 'vanishing mediator' n'est pas légitime (Aamir R. Mufti, Forget English! Orientalisms and World Literatures (Cambridge, MA: Harvard University Press, 2016), p. 16). En tout état de cause, elle est partielle. La francophonie acceptable est celle, comme le rappelle l'auteur, qui sert 'à tisser des liens entre les œuvres et les cultures qui utilisent le français, pourvu qu'elle ne soit pas utilisée à des fins néo-coloniales, sur le plan politique, économique ou culturel' (p. 236). Par là même, une nouvelle [End Page 129] francophonisation conduirait à une postfrancophonie sensiblement défrancisée (p. 240). Fair enough, serait-on tenté d'ajouter.

Bertrand Westphal
Université de Limoges
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